La Voix du Nord, 6/5/2008: 

Durée légale du temps de travail: entorses courantes à la centrale nucléaire ?

Le directeur de la centrale de Gravelines était convoqué devant le tribunal de police, jeudi 24 avril. Il y a un an, lors d'une descente inopinée de l'inspection du travail, quarante-cinq infractions au Code du travail avaient été relevées, pointant des dépassements de la durée légale du travail. Le procès a été reporté au 12 juin. En rappelant qu'un salarié a fait un malaise après quarante-deux heures passées à son poste, les syndicats dénoncent une pratique courante à EDF.

Ça« turbine » trop à la centrale ? «Pour nous, ce n'est pas une surprise. Ça fait des années qu'on dénonce les dépassements de la durée légale du travail à la centrale», déclare tout de go le secrétaire général CGT du collège ouvriers-employés. «Il y a deux ans, un salarié a passé quarante-deux heures sur son poste. Il a fait un malaise», renchérit le représentant CGT du collège encadrement.

Un an plus tard, les services de l'inspection du travail faisaient une « descente » à Gravelines, sur le site de la centrale nucléaire. Ils y ont relevé quarante-cinq infractions, essentiellement des dépassements de la durée maximale quotidienne et hebdomadaire du travail.

Les syndicats exultent. Ils ne sont pas à l'initiative de la procédure et d'ailleurs ne se constituent pas parties civiles. Mais les constatations de l'inspection du travail dépassent leurs espérances.

Contraints de faire du « rabe »
«Même si le directeur de la centrale, Éric Jouen, est directement concerné dans cette procédure, ce n'est pas lui en particulier qui est visé. Le problème, selon nous, est plus général. Il s'agit de l'organisation du travail à EDF et sur les sites nucléaires. Bref, il y a un problème global sur la politique de l'emploi. Ce sont les salariés qui doivent supporter des décisions qui ne visent que le gain de productivité».

Quitte à se mettre hors-la-loi, analyse le secrétaire du collège ouvriers-employés. Selon lui, sur les 8 000 départs à la retraite programmés en 2008 et 2009, seuls 4 000 embauches sont prévus à EDF. «Avec les absences, les stages, les congés, tous les imprévus, comme nous travaillons toujours en équipes minimum, on se retrouve vite à dépasser la durée légale quotidienne ou hebdomadaire du travail. Et ça, c'est partout pareil sur les 19 sites nucléaires français», concluent les représentants syndicaux.

Pour justifier les dépassements de la durée légale du travail devant le tribunal de police, la centrale ne manquera pas d'évoquer des impératifs de sûreté nucléaire : un employé ne peut pas quitter un poste sensible sans être relevé. Le moindre imprévu, une petite désorganisation dans la chaîne des effectifs, et le personnel est contraint de faire du « rabe », de rester rivé à son poste. «C'est évidemment l'argument choc, soi-disant imparable que nous sort à chaque fois la direction : la sûreté prime. Certes, mais avec des moyens humains à la hauteur, c'est mieux.»

Plan d'action pour résorber le problème
Sur les infractions relevées par l'inspection du travail, Éric Jouen, le directeur de la centrale, n'a pas souhaité s'exprimer directement. Mais les services de la communication d'EDF nous ont affirmé «qu'un plan d'action a été mis en place pour résorber ces problèmes de dépassement de la durée légale du travail». Enfin, elle réfute les prévisions pessimistes de la CGT. «Dans ce plan d'action des embauches sont prévues».

Ils étaient une poignée de camarades de la CGT, à venir assister à l'audience du tribunal de police, le 24 avril. Le procès a été renvoyé. C'est le 12 juin que cette juridiction se penchera sur ces infractions. Éric Jouen risque des contraventions de quatrième classe.

 

Lire, santé du travail dans l'industrie nucléaire:

- Rationalité instrumentale et santé au travail
dans l'industrie nucléaire

- Rapport d'enquète de psychopathologie du travail au Centre de Production Nucléaire de Chinon

- Les résultats du nouveau management dans le nucléaire (information de la section syndicale FO)

- Nucléaire: sans foi, ni loi! (information de la section syndicale FO)

- Intermittents, les esclaves du nucléaire