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Hommage à Siméon Kass

Le 27 juin 1999, une délégation du Comité Stop Nogent-sur-Seine a participé à une réunion organisée par ses proches à la mémoire de Siméon Kass. Benoît Courant, militant du comité et ami de Siméon, nous rappelle ci-après qui était l'homme : une personnalité originale et forte.
Siméon Kass a joué un rôle important dans l'action de terrain menée par notre comité dans le Nogentais pour sensibiliser la population aux dangers du nucléaire civil. L'homme, en effet, ne s'est pas contenté de prêter ses traits au personnage excentrique de David Mann. Il fut aussi un soutien local très efficace aux opérations de prélèvements que nous avons réalisés - avec l'aide de Provins-Ecologie et des Amis de la terre de Troyes - autour de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine. Ces prélèvements étaient ensuite confiés à la CRII-RAD pour analyse. Pour ce faire, Siméon favorisa les relations du comité avec de nombreux habitants du pays dont il était l'ami, mit à notre disposition sa ferme de l'Erable, qui fait face à la centrale nucléaire, pour des prélèvements de sol (carottages) et réunions diverses (notamment, pour une mémorable journée de formation de l'été 1989). Dans la région la plus directement menacée par la centrale de Nogent mais où celle-ci fait souvent figure de manne financière, il faisait partie de la minorité citoyenne responsable qui ose affronter les promoteurs de l'électricité nucléaire. Nous lui rendons ici un hommage ému.



Siméon Kass est mort

Dans le roman Tchernobyl-sur-Seine*, il était David Mann, un homme diablement important qui, dans les rues de Nogent, promenait sur sa bicyclette sa grande silhouette surmontée d'une chevelure hirsute. Sa retraite depuis 1986 de journaliste de Libération Champagne l'avait écarté de la presse locale durant les événements post-tchernobyliens. La plume de Siméon n'a pas relaté les événements du nucléaire local, les avatars de la centrale décelés par le Comité Stop Nogent-sur-Seine, ainsi que les nombreuses conférences de presse, les manifestations, la campagne de prélèvements effectuée par les écologistes antinucléaires. Dommage ! Ses chroniques et ses articles étaient attendus et lus. Ses articles dépassaient le cadre de notre région.
Il apportait sa grande culture, son humour, sa provocation et sa générosité au service de la vérité et du respect de l'homme. Il plaçait chacun de nous au-dessus de nous-même pour nous mieux découvrir, permettre de comprendre ce que nous devons être et notre condition. Le professeur Jean-Paul Escande écrit de lui : « Il n'y a pas d'exemple plus simple, plus convaincant de ce que l'adaptation créatrice est le propre de l'homme qui sait transcender sa propre condition humaine ».
  Prélèvement de sol à l'Erable, point zéro Stop Nogent,
23 novembre 1987.
Photo D. Léonard.
La ferme de l'Erable était sa maison : une île verte du Nogentais, à quelques inondations de la centrale. Elle a été son refuge comme elle l'a été pour plusieurs générations d'amis et de compagnons de passage. Il l'avait délaissée depuis peu, souffrant des pillages et des vandalismes incessants dont elle faisait l'objet. De ce lieu, symbole de la défense de la nature et de l'homme, Siméon a exploré la terre et ses ressources, expérimenté les cultures naturelles au milieu d'une nature industrielle qui le grignotait. Il fut un pionnier de l'écologie**.
« Pas toujours facile » diront certains à l'approche de Siméon. Sa provocation et son humour n'avaient pour but que de nous remuer les méninges. Cette attitude le coupait souvent de ceux qui s'arrêtaient au premier virage, aux premières difficultés ou qui ne voulaient pas comprendre. Il était décalé.
Il a tissé une immense toile d'amis. Meurtri à jamais par l'absence de sa famille emportée dans les camps nazis, Siméon appartenait à ces « rescapés volontaires » que l'histoire poursuit jusqu'au dernier refuge. la pudeur de l'amitié était la clé de cette clé-là. Il était ailleurs.
Le 27 juin dernier, ses amis et sa famille ont planté un acer sacarum, l'arbre producteur de sirop d'érable. Le 26 mai 1990, à l'issue d'une longue marche antinucléaire jusqu'à Nogent, prenait racine un ginkgo biloba, seul végétal à avoir résisté au souffle de la bombe d'Hiroshima. Deux arbres, deux symboles que Siméon entretenait pour l'avenir.

Benoît Courant

*H. Crié et Y. Lenoir (Calman Lévy, 1987)
** Le Catalogue des ressources (plusieurs volumes) dont Siméon était un des initiateurs et collaborateurs.

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