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Éditorial

Remplacement des condenseurs
pour les 10 ans de Nogent

Une centrale qui rejettera " encore plus propre " ?
(Libération Champagne, 18 février 1998)

Comprenez plutôt qu'il faut choisir entre pollution
par le cuivre, le chlore ou les amibes

 

EDF a fait construire la plus grande part des condenseurs de vapeur des usines électriques en laiton, bon conducteur de la chaleur. Mais cet alliage de cuivre et de zinc s'abrase et se corrode. En 1996, le directeur de la centrale nucléaire de Nogent reconnaissait avoir perdu en Seine 22 tonnes de laiton l'année précédente (sur un poids total de 800 tonnes pour les deux tranches). Outre que la pollution provoquée par les rejets de cuivre en rivière dépassait les valeurs autorisées par l'arrêté préfectoral, l'usure des condenseurs nécessitait leur remplacement. EDF a donc opté pour de l'acier inox, moins bon conducteur de la chaleur mais plus résistant (en 98 pour la tranche 1 et 99 pour la tranche 2, pendant les arrêts pour révision décennale).
Si le cuivre est un polluant toxique, il avait l'avantage d'inhiber les amibes, responsables entre autre de méningites mortelles. Et il s'avère que ces micro bestioles ont décidé d'aller proliférer dans les tours de refroidissement des centrales d'EDF sous certaines conditions climatiques, l'été ; puis d'aller batifoler ensuite en aval dans la rivière, dans les eaux de baignade par exemple.
Le phénomène ayant été détecté à Dampierre-en-Burly (4 réacteurs de 900 MWe sur la Loire), l'exploitant a donc décidé de traiter la bactérie par le seul remède possible, l'injection de chlore, mais du chlore libre le plus toxique, en particulier pour la faune et la flore en aval*.
Et le chlore libre réagit en présence de matière organique pour former des trihalométhanes, substances fortement cancérigènes, non éliminées par les stations de traitement d'eau potable. Les normes européennes préconisent de ne pas dépasser une concentration de 30 microgrammes par litre d'eau en aval après dilution.
Avec un débit de Loire à l'étiage de 30 m3/s à hauteur de Dampierre, EDF respecte difficilement la norme. Aussi alterne t-il chloration et mesure du taux d'amibes sans traitement, puis rechloration quand ça reprolifère.
Le problème est plus épineux pour le site nucléaire de Nogent où le débit d'étiage peut descendre à 20, voire 15 m3/s. Il est encore plus épineux pour la centrale de Civaux, livrée neuve avec condenseurs en inox, et un débit d'étiage de la Vienne à 7 m3/s. Chooz, Golfech et quelques autres sites seront probablement concernés ; ainsi que tous les sites dont EDF changera les condenseurs usés au prix de 200 millions de francs la tranche.

 

*L'arrêté préfectoral concernant la centrale nucléaire de Nogent, autorisant les prises et rejets d'eau et d'effluents chimiques en Seine (87.3805 du 4/6/87 modifié 94.1427A du 17/5/94) stipulent que " les opérations de chloration des circuits de réfrigération, dans la limite de 4 campagnes par an, ne pourront être entreprises qu'après vérification du bon fonctionnement du dispositif d'arrêt de purge (pas de rejets en Seine pendant l'opération). Elles devront être conduites de façon à ce que, lors de la remise en marche de la purge (rejets en Seine), la teneur en chlore libre résiduel dans les effluents des eaux de purge soient inférieure à 0,1 milligramme par litre (et inférieure au seuil de mesure en moyenne sur 24 heures), le flux de chlore libre ne pouvant dépasser 2 kilogramme sur deux heures " (et par 24 heures). L'arrêté précise en outre, que les Services de la Navigation devront être prévenus préalablement à ces opérations et que le remplacement de la chloration par tout autre traitement ne pourra être autorisé qu'après les avis du Conseil supérieur d'hygiène publique de France et de la mission déléguée de bassin.
Le traitement (campagne) contre les salissures biologiques des réfrigérants s'effectue en principe par injection d'hypochlorite de sodium (eau de Javel) pendant 20 minutes, concentration maximale dans les circuits 50 mg/l, durée du traitement de 6 à 10 heures avant réouverture des purges.
Ces limites très contraignantes ont été imposées après consultation du Conseil supérieur d'hygiène publique de France, de la mission déléguée de bassin, des Services de la Navigation, du Conseil de la Pêche, de la Drire, etc. Elles sont le reflet de l'importante toxicité du chlore libre et des produits de réaction qui en sont issus, pour le milieu récepteur.
Dans le passé, l'inhibition des amibes susceptibles d'engendrer des méningites mortelles était due à leur l'empoisonnement par le cuivre provenant de l'usure des anciens circuits des condenseurs. En l'absence de cuivre, d'autres organismes nocifs pourraient donc aussi se développer et contaminer la Seine.
Quoi qu'il en soit, le traitement proposé par augmentation importante de la fréquence des injections d'eau de Javel est incompatible avec la protection de la faune, de la flore et de la santé publique. D'autres procédés sont disponibles, tels ceux utilisés dans les usines de traitement de l'eau potable. Mais leurs coûts élevés influeront sur le prix du kilowattheure.
Le procédé retenu devra impérativement être soumis à la procédure d'enquête publique.


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