SWISSINFO 18/11/03
La viande de sangliers suisses, particulièrement
au Tessin, contient trop de césium, matière radioactive
dispersée en Europe après la catastrophe de Tchernobyl
de 1986.
C'est une des conséquences de la contamination de la «truffe
du cerf», l'aliment préféré de ces
porcs sauvages.
L'affaire a été révélée lors
d'un contrôle de routine effectué sur de la viande
d'un sanglier tessinois, par l'Office fédéral de
la santé publique (OFSP).
Il a été constaté que la viande de ce gibier
contenait cinq fois la valeur limite de 1250 becquerels (Bq) d'isotopes
de césium par kilo. Ce qui la rend impropre à la
consommation. La viande a, bien entendu, été confisquée
par le service vétérinaire cantonal. Cette affaire
ne fait que confirmer des soupçons plus anciens sur la
radioactivité de certaines viandes de gibier. Le cas du
sanglier est particulier. Cet animal est un grand consommateur
de «truffes du cerf» (elaphomyces granulatus) qui
prospèrent dans toute l'Europe. Il s'agit d'un champignon
impropre à la consommation humaine et qui n'a rien à
voir d'ailleurs avec les truffes noires ou blanches que l'on trouve
en France ou en Italie. Suite à la présence de césium
dans la viande, 20 échantillons de truffes du cerf venus
de toute la Suisse ont été étudiés
cet été par l'Institut fédéral de
recherches sur la forêt, la neige et le paysage. Et ceci
sur mandat de l'OFSP. Les résultats ont été
rendus publics la semaine dernière par le laboratoire.
Le moins que l'on puisse dire est que ces résultats sont
inquiétants. En effet, ils démontrent que 17 ans
après l'accident de Tchernobyl, l'isotope du césium
137 (le combustible utilisé dans la centrale ukrainienne)
est encore très présent dans l'environnement.
Le Tessin le plus touché
Mais toutes les régions ne sont pas frappées de
la même façon. C'est le Tessin qui est le plus touché.
Ainsi, les échantillons venus de la Malvaglia présentent
des valeurs radioactives de 15'700 becquerels par kilo. Une valeur
à laquelle il faut ajouter 2300 becquerels dus aux retombées
des poussières des essais nucléaires réalisés
dans le monde entre les années 1960 et 1980. Dans la région
de Wattwil dans le canton de St Gall, les valeurs relevées
sur ces mêmes échantillons sont de 9450 Bq pour le
césium plus 3700 Bq dus aux bombes atomiques.
La Suisse de l'Ouest est moins concernée
Des valeurs assez faibles ont été enregistrées
dans les échantillons venant de la région du Beatenberg
dans le canton de Berne, soit 2800 Bq. Ainsi que dans ceux venant
de Montagny dans le canton de Fribourg (3400 Bq). Pour Hansruedi
Voelkle, de la section de surveillance de la radioactivité
à l'OFSP, ces valeurs enregistrées correspondent
bien à la façon dont le césium s'est dispersé
en Suisse après la catastrophe de 1986. Pour mémoire,
le césium a beaucoup pénétré les sols
au Tessin et dans le sud de la Suisse, car la pluie avait plaqué
au sol ces poussières radioactives. Et si l'on trouve encore
du césium dans la chaîne alimentaire, c'est que son
isotope a une demi-vie de 30 ans (période durant laquelle
la radioactivité baisse de la moitié de sa valeur).
Champignons comestibles moins radioactifs
Il ressort, néanmoins, de toutes les observations réalisées
une note rassurante. Ainsi, Hansruedi Voelkle fait remarquer qu'il
ne faut pas confondre la radioactivité des truffes consommées
par les sangliers et celles des champignons comestibles par l'homme.
En effet, les valeurs de radioactivité des champignons
de consommation sont en baisse depuis la catastrophe de 1986.
A Berne par exemple, la radioactivité des champignons est
passée de 800 à 200 Bq par kilo entre 1986 et 2002.
Autre cas à Siglisdorf où les échantillons
de champignons étudiés entre 1986 et 2002 laissent
apparaître des valeurs passant de 1800 à 700 Bq.
A noter que les champignons de consommation venant de l'Europe
de l'Est - région la plus touchée par la contamination
au césium - doivent comporter un certificat prouvant qu'ils
ne dépassent pas la valeur limite de radioactivité
autorisée en Suisse.
Dans les hautes couches du sol
Globalement, les champignons restent tous plus ou moins radioactifs.
Les truffes sont plus touchées, car elles poussent dans
la terre jusqu'à 10 centimètres de profondeur, couche
qui est la plus contaminée par le césium, selon
Simon Egli, spécialiste des champignons à l'OFSP.
Une thèse qui se confirme par le fait que des champignons
dont le mycelium (organe reproducteur) prospère en dessous
des couches supérieures de la terre (plus de 10 cm) ne
sont pas contaminés par le césium.
Le sanglier a toujours la cote
En attendant, le sanglier est malheureusement victime de cette
loi de la chaîne alimentaire. Et comme ce porc sauvage est
actuellement très apprécié des consommateurs
(6000 tirs de chasseurs en 2002), faut-il y voir un danger pour
l'homme? «Mais il est vrai, explique Hansruedi Voelkle de
l'OFSP, que le césium absorbé par les sangliers
via les truffes, se concentre dans ses muscles». Toutefois,
précise le spécialiste, il semble que le danger
n'est pas énorme car le césium consommé par
un adulte se résorbe en deux à trois mois, si les
valeurs ingérées ne dépassent pas la limite
de 1250 Bq. Autre élément qui relativise cette question:
près de 150 tonnes de viande de sanglier consommées
en Suisse sont importées. Sévèrement contrôlée,
elle ne présente pas ou très peu de présence
de césium dans les muscles. A noter encore que l'année
dernière, le laboratoire cantonal de Bâle-Campagne
avait étudié huit échantillons de sangliers
tirés par des chasseurs dans le canton. Au final, la viande
ne dépassait pas la valeur de 32 Bq par kilo, ce qui est
insignifiant comparé à la limite suisse, mais surtout
par rapport au 65'000 Bq relevés en 1990 dans des viandes
de gibiers venus de certains pays de l'Est.
swissinfo, Stefan Hartmann.
(Adaptation: Jean-Louis Thomas)
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