Le Monde, 20/01/2006 : 

La direction d'EDF affirme ne pas avoir "la productivité honteuse"

Deux mois après l'introduction d'EDF en Bourse, la direction du groupe a présenté aux syndicats, jeudi 19 janvier, un des points les plus sensibles de sa politique : "le bilan 2005 et les perspectives 2006-2007" de l'emploi, marqués par la suppression d'au moins 6 000 postes sur un effectif de 108 500 en France.

Alors que les dirigeants inscrivent cette baisse dans une tendance à la réduction du nombre d'agents amorcée il y a vingt ans, les syndicats n'y voient que les premiers dégâts collatéraux du changement de statut du groupe public, devenu une société anonyme dont 15 % du capital est désormais coté. La direction d'EDF n'a pas "la productivité honteuse", affirme un de ses membres. D'autant que la réduction des effectifs ne compte, selon elle, que pour 20 % dans les 7,5 milliards d'euros d'économies prévus par le plan ("Altitude") de gains de productivité pour 2005-2007.

"Nous allons maintenir ou renforcer les 'métiers d'appels', comme la conduite et la maintenance des centrales nucléaires, l'exploitation et l'entretien des réseaux de distribution, les métiers du commercial, les techniciens proches du client", assure Yann Laroche, directeur général délégué, chargé des ressources humaines. Les suppressions devraient essentiellement porter sur les emplois administratifs.

Dans la perspective d'une accélération des départs à la retraite en 2008-2009, M. Laroche se dit "prêt à discuter avec les syndicats d'une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences au-delà de 2007" conciliant la poursuite des gains de productivité. Il juge que, après la réforme du système de retraite maison, le changement de statut et l'ouverture du capital de l'entreprise, l'horizon social s'est dégagé.

"DÉGRADATION DU CLIMAT SOCIAL"

D'autant que le projet industriel d'EDF - 40 milliards d'euros d'investissements d'ici à 2010, dont 26 milliards entre 2006 et 2008 - va doper les embauches chez ses sous-traitants. En octobre, Dominique de Villepin avait demandé au groupe, dans le cadre du contrat de service public signé avec l'Etat, de porter son effort de 3 à 4 milliards d'euros par an.

"Ce milliard supplémentaire correspond à un volume d'activité d'environ 10 000 emplois chez nos prestataires", calcule M. Laroche. EDF va ainsi pouvoir développer son outil de production (remise en route ou construction de centrales), moderniser son réseau basse et moyenne tension, renforcer son système d'information.

Les syndicats rétorquent que l'entreprise a perdu de sa substance et ne serait plus capable de se mobiliser aussi fortement qu'elle l'a fait après la tempête de décembre 1999. Ils réclament des créations de postes, mais au sein d'EDF. Notamment dans les 19 centrales nucléaires, où EDF a sous-traité des missions de maintenance ou de radioprotection.

La fédération CGT Mines-Energie dénonce "une dégradation du climat social, des conditions d'exploitation, des garanties sociales dans la sous-traitance et de la santé des salariés" dans la division nucléaire (20 000 salariés). En raison d'"un management essentiellement tourné vers la recherche de gains financiers", les centrales sont devenues, selon elle, "des zones de non-droit social".


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