Libération, 29 juin 1993:

A Lire : Tchernobyl, une catastrophe

Bella et Roger belbéoch n'ont jamais fait de concession à l'énergie nucléaire. Cette fois, c'est un implacable réquisitoire qu'ils lancent contre l'atome, décortiquant sept années d'actes et de propos des tenants de l'énergie nucléaire. Les sept années écoulées depuis qu'est survenu le plus grave accident de l'industrie nucléaire civile. Et pour eux, le drame de Tchernobyl n'est pas une affaire classée. Il ne fait même que commencer.
Par Bella et Roger Belbéoch. Ed. Allia 224 pp., 125 F.


Le monde diplomatique, juillet 1993:

Tchernobyl, une catastrophe
Bella et Roger Belbéoch
Editions Allia. Paris. 1993. 220 pages. 125 F.

Tous deux physiciens, Bella et Roger Belbéoch publient, sur la catastrophe de Tchernobyl, un livre à la fois techniquement et scientifiquement très informé et politiquement fort clair : les « experts » en France notamment, ont tout fait pour que les causes, l'étendue, les conséquences du désastre ne soient pas mises à nu, explications qui auraient pu conduire à s'interroger sur le cours de la politique énergétique à l'Ouest mais aussi, dans l'avenir, à l'Est. Pis: la catastrophe « permet » à ces « experts » de "se constituer en un corps unifié international aux pouvoirs encore renforcés. Ferme mise en garde contre l'instauration d'une « société nucléaire ». L'hommage aussi aux victimes qui vont mourir « dans les mensonges et dans l'indiffèrence ». ce livre constitue un apport de valeur à la nécessaire réflexion sur la « modernité » et ses rapports avec la démocratie.

J. D.


STRATÉGIES ÉNERGÉTIQUES,
BIOSPHÈRE & SOCIÉTÉ,1993-1994:

Tchernobyl
une catastrophe, quelques éléments pour un bilan

Bella et Roger BELBEOCH,
Editions Allia, Paris, 1993, 220 p.

Deux physiciens font le bilan de la catastrophe de Tchernobyl sept ans après l'événement. Le lecteur pourrait, dans un premier temps, craindre de se trouver immergé dans une marée de données techniques qu'il aurait de la peine à maîtriser. Il n'en est rien. L'ouvrage se lit comme un roman policier.
Du roman policier, l'histoire de Tchernobyl en a bien des éléments. Mais c'est un mauvais roman. Un roman sordide. Contrairement à la règle établie, les grands coupables courent toujours, protégés par leurs alliés et leurs complices qui occupent d'importants postes dans la politique et l'économie. Quelques petits poissons sont condamnés symboliquement. Les victimes attendent toujours.
Hiroshima avait été salué unanimement par la presse comme un triomphe du génie humain. L'humanité était promise à un avenir radieux - pour reprendre le titre volontairement ironique d'un ouvrage de l'ex-Soviétique Alexandre Zinoviev! Les morts comptaient peu. C'était l'ouverture vers la modernité. Tchernobyl est un désastre, et met définitivement un terme aux vains espoirs. Le nucléaire a failli à toutes ses promesses. Et, curieusement, c'est au moment où les scientifiques nucléaires n'ont plus rien à promettre que leur pouvoir s'installe le plus inéluctablement et le plus dangereusement.
En fait tous les experts nucléaires du monde, théoriquement responsables de la protection des populations, sont au service de l'industrie atomique et de sa promotion. Dès lors, il était logique que, dans les suites de la catastrophe de Tchernobyl, la priorité fût donnée à la manière de gérer les conséquences médiatiques de l'événement et non aux secours urgents à apporter aux populations en danger. La gravité de la situation sanitaire dans les régions contaminées devait être minimisée. Il fallait mentir, il en allait de l'intérêt vital de l'industrie nucléaire mondiale. Prendre les mesures nécessaires pour secourir la population, c'eût été avouer la gravité du désastre, et par conséquent compromettre l'avenir du business nucléaire. C'est ainsi que les experts ont transformé une catastrophe en un crime! Officiellement ils prétendent mentir pour ne pas affoler les populations. Pour expliquer les troubles multiples dont souffrent les gens, les "experts" médicaux ont inventé une nouvelle maladie: la radiophobie. Selon eux cette maladie, purement du domaine de la psychiatrie, sera d'autant mieux prévenue qu'on évitera d'alarmer la population avec d'inutiles informations.
Un tel réseau de mensonges n'a pu être mis sur pied que grâce à une vaste solidarité internationale de la nucléocratie, constituant un véritable complot. Le bruit médiatique autour de Tchernobyl risquait de contaminer le nucléaire occidental. La France l'a particulièrement bien compris, dépêchant immédiatement ses spécialistes en URSS pour aider à camoufler l'ampleur du désastre. Des médecins ont prêté leur concours à ce jeu! Le professeur Pellerin, responsable français en matière de radioprotection, s'est distingué par des propositions particulièrement méprisantes à l'égard de la santé. Pour résoudre le problème de l'évacuation des habitants sinistrés, les "respectables" experts proposèrent par exemple aux Soviétiques de modifier les normes de radioprotection dans le sens d'une plus grande tolérance.
Le rapport de l'AIEA (Agence Internationale de L'Energie Atomique à Vienne) de 1991 estime que les mesures prises par les Soviétiques contre les effets à long terme ont été "excessives". Le rapport donne ainsi une bonne idée de la gestion des experts occidentaux en cas de catastrophe nucléaire dans leur propre pays!
Le lecteur découvrira avec beaucoup d'intérêt comment le drame s'inscrit dans une sorte de logique historique du nucléaire. Il trouvera aussi, au milieu de l'étude, des chapitres davantage scientifiques sur la situation dosimétrique et sanitaire en Ukraine, en Biélorussie et en Russie. Même dans cette partie plus technique le langage demeure facilement accessible, et pour ceux qui le désirent, un glossaire donne les explications nécessaires. Des notes documentaires et bibliographiques très complètes témoignent du sérieux de l'ouvrage.

Jacques Moser



Panorama, décembre 1993:

TCHERNOBYL NE FAIT QUE COMMENCER...

La catastrophe de Tchernobyl a eu lieu le 26 avril 1986. Immédiatement, avant même que le sarcophage empêche les derniers rayonnements de filtrer, une chape de silence s'est solidement installée autour du réacteur. Sur place, le "décret de secret" s'est rapidement imposé : ordre formel donné aux médecins de ne fournir aucune information ; premiers examens effectués sur les victimes, transmis en données codées directement à Moscou... Tandis que les organisations humanitaires internationales qui arrivaient sur place étaient soigneusement encadrées par les "experts" occidentaux du nucléaire.

Des voix dans le silence

On s'est vite empressé de minorer les retombées biologiques de l'accident "avec le silence complice de tous les pays ", précise le docteur Sallerio, de Médecins du Monde. Depuis, la chape de silence n'est plus tout à fait hermétique et quelques voix commencent à se faire entendre. En France, notamment, un couple de physiciens, membres du GSIEN (Groupement de Scientifiques pour l'Information sur l'Energie Nucléaire), Bella et Roger Belbéoch, s'efforcent de dénoncer cette "conspiration du silence" des pouvoirs politiques et scientifiques occidentaux.

"Dès le départ, précise Roger Belbéoch, nous avons eu le sentiment qu'il s'agissait d'une vraie catastrophe mais que l'affaire allait être camouflée. Nous avons alors décidé de voir comment les blocages de l'information allaient se mettre en place." Depuis, ils ont recueilli bon nombre de témoignages et de documents pour tenter de faire le point sur la question (1).

Certes, les effets du nucléaire sur la santé sont encore méconnus, ce qui pourrait justifier la "discrétion" des experts qui attendent des données "objectives" avant de se prononcer. La catastrophe de Tchernobyl est en effet la première "expérience in vivo" de ce type, et pour laquelle on ne dispose d'aucun point de comparaison (la référence à Hiroshima ne peut être que partielle). Les effets biologiques du nucléaire sont, d'autre part, peu spectaculaires. Ce sont, pour la plupart, des effets à long terme: ils peuvent se manifester au bout de plusieurs années (pour les cancers, notamment), et s'imprimer sur plusieurs générations (pour les atteintes génétiques).

Si on ne sait toujours pas ce que sont devenus ceux qui ont "nettoyé' le site, ni combien d'entre eux sont déjà morts, quelques données "objectives" commencent cependant à apparaître.

Il s'agit notamment des cancers de la thyroïde détectés récemment chez les enfants : 158 cas ont été recensés en Ukraine par l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé) et 225 cas en Biélorussie (le pays le plus arrosé par les retombées radioactives). Leur nombre anormalement élevé, leur progression rapide (plus de 60 nouveaux cas en 6 mois), la précocité inattendue de leur apparition et leur virulence (ils métastasent très vite) inquiètent les autorités médicales.

Quant aux autres pathologies (pulmonaires, osseuses, oculaires... ) apparues plus massivement depuis la catastrophe, on n'est pas capable pour l'instant de les relier objectivement aux phénomènes d'irradiation. Pas plus qu'on est capable de démontrer comment le système de défense immunitaire a pu être affecté. Mais la forte augmentation de la morbidité dans ces régions ne peut plus être mise sur le seul compte des effets psychologiques de la radiophobie ambiante, comme continuent à le faire certains experts.

Certes, les effets biologiques du rayonnement ionisant agissent en synergie avec d'autres facteurs, comme la malnutrition, les pollutions chimiques (très importantes dans la région de Kiev). La détérioration du système de santé, ajoutée aux traumatismes des évacuations massives, complique singulièrement l'affaire.

Mais les médecins sont de plus en plus nombreux à penser qu'il faut agir vite et à appeler, à l'instar des Belbéoch, à une prise de conscience de tous : il s'agit d'une catastrophe majeure, qui engage toute la communauté internationale.

Un sujet tabou ?

Ce phénomène de contaminatien massive d'une population nombreuse constitue un patrimoine scientifique sans précédent pour une humanité qui s'engage à pas de géant dans l'ère nucléaire. Il est dans l'intérêt de tous de mettre en place un suivi épidémiologique précis, accompagné d'une aide médicale et humanitaire internationale. Il faudrait pour cela arriver à briser le silence et les tabous. Mais le nucléaire, à l'Est comme à l'Ouest, est un enjeu économique et politique énorme, face auquel les intérêts humains ne pèsent pas encore leur poids.

(1) Tchernobyl : une catastrophe, par Bella et Roger Belbéoch (Ed. Allia, avril 1993



Charlie hebdo, 19 mai 1993:

Tchernobyl, ville très active

Sept ans après la catastrophe de Tchernobyl, de nouveaux incidents nucléaires se sont produits en Russie en avril dernier. Encore une fois, « les experts estiment que la pollution emportée par les vents ne devrait avoir que des effets négligeables » (le Monde, 9 avril 1993). La leçon n'a donc pas servi. Pour nous rafraichir cruellement la mémoire, deux physiciens, Roger et Bella Belbeoch, viennent de faire paraître un véritable réquisitoire dans lequel ils révèlent l'étendue et la profondeur des dégâts causés tant sur l'environnement que sur la population. Ils ont confronté des témoignages recueillis sur place aux documents officiels jusqu'alors tenus secrets, comme le testament de Legassov, fonctionnaire chargé de la gestion du site, qui s'est donné la mort le 27 avril 1988.

L'indépendance de I'Ukraine a aggravé la situation. La pénurie empêche les autorités de procurer de la nourriture « propre » à la population ou d'évacuer celle-ci vers des lieux moins contaminés. Aujourd'hui, plus personne ne se fait d'illusions: les responsables n'ont pas été jugés et ne le seront pas, et aucune des mesures obtenues voici quelques années pour améliorer la vie quotidienne n'a été appliquée.

Selon un document établi par des médecins occidentaux en 1992, « le rapport entre les nombres de cancers de la thyroïde chez les enfants et chez les adultes a augmenté de façon dramatique [ ... ]. La fréquence observée excède de beaucoup l'incidence naturelle de cette maladie chez les enfants de moins de quinze ans, qui est d'environ 1 cas pour 1 million. Dans la région administrative de Gomel [population totale: 2,5 millions], l'incidence a été de 80 pour 1991... ». Pour les auteurs, le constat est dramatiquement clair. Le nombre élevé de cancers recensés, alors qu'on se trouve au début de l'expression de cette maladie, indique que des centaines de milliers d'enfants et d'adultes ont été irradiés et ont reçu des doses élevées à la thyroïde. Ce livre donne les secrets d'une expérimentation à grande échelle.

Tchernobyl, une catastrophe, de Bella et Roger Belbeoch,
Editions Allia, 16, rue Charlemagne 75004 Paris. Tél.: (1) 42 72 77 25