Le maire de Cherbourg saisit la justice contre l'association Wise pour dénonciation calomnieuse (Le Figaro du 23/03/02)

Le Figaro du 12/03/02

L'affaire du rapport manipulé de la Hague

Alors que le ministère de la Défense a retiré la semaine dernière les missiles sol-air Crotale autour de la Hague, la polémique portant sur les conséquences d'une attaque terroriste sur l'usine de retraitement de la Cogema vient de se déplacer sur le terrain judiciaire. L'association Wise-Paris, un cabinet d'expertise privé, antinucléaire, a déposé plainte contre X, le 19 février dernier, auprès du tribunal de grande instance de Paris, pour « faux » et « usage de faux ». L'association dénonce la diffusion d'un faux rapport, à l'automne dernier, dans le seul but de discréditer une étude qu'elle a réalisée
sur l'usine de la Hague.
Cinq jours après les attentats du World Trade Center, Le Monde publiait un article intitulé : « Un avion sur la Hague créerait un Tchernobyl » (1). Le quotidien citait une étude de Wise-Paris réalisée pour le compte de la direction générale de la recherche du Parlement européen, dans le cadre d'un programme d'évaluation des questions scientifique appelé Stoa, selon l'acronyme anglais. Selon Wise, 17 600 tonnes de combustible nucléaire usé sont stockées à la Hague. Les piscines de l'usine contiennent 287 fois plus de césium 137 qu'il n'en a été relâché dans le fameux nuage de Tchernobyl. En cas d'accident à la Hague, calculait Wise en annexe de son rapport, la dose radioactive collective serait cinquante fois celle reçue à la suite de la catastrophe ukrainienne de 1986. Des estimations aussi inquiétantes n'ont pas manqué de rapidement déclencher une polémique, en France, et particulièrement dans le département de la Manche.

C'est à Cherbourg justement que, le 10 novembre, paraît un article dans La Presse de la Manche : « Crash sur la Cogema : le rapport Wise démonté ». Le quotidien départemental cite un rapport intitulé « Groupe de conseils scientifiques, rapport d'évaluation du rapport d'étude définitif sur les éventuels effets toxiques des usines de retraitement nucléaire de Sellafield et de la Hague ». Ledit rapport estime que le calcul de Wise sur la quantité de césium qui pourrait être relâchée à la Hague est « hautement controversé et dépourvu de crédibilité ». Le document de Wise, marqué par des « insuffisances méthodologiques, (...) n'offre aucun fondement solide pour quelque position politique que ce soit ». En somme, un contre-rapport officiel règle sévèrement son compte à l'étude d'une association sur une question controversée. Sauf que ce « groupe de conseils scientifiques » est inconnu au Parlement européen. Le 5 décembre 2001, Paul Engstfeld, fonctionnaire au Parlement européen, chargé du Stoa Panel, écrit à Wise qu'il « lui semble que le rapport cité dans La Presse de la Manche est un faux ». D'où vient-il ? Il a été diffusé par la mairie de Cherbourg. A-t-il été forgé de toutes pièces ? Non.

C'est en novembre 2000 que le « panel Stoa » du Parlement européen a confié à Wise une étude qui ne portait d'ailleurs pas sur l'usine de la Hague face au risque accidentel ou terroriste, mais plus largement sur les effets toxiques possibles de l'usine de la Cogema et son équivalente britannique de Sellafield. L'identité même de Wise, sans parler du contenu du rapport, étant suspecte aux yeux de certains élus du Parlement, le « panel Stoa » décide, en juin 2001, de demander à trois experts indépendants d'évaluer le document de 150 pages produit par l'association.

L'un de ces trois « relecteurs », Ian Coudrace, du Southampton Oceanography Centre, juge le rapport de Wise « alarmiste ». Un autre, Peter Mitchell, de l'université nationale de Dublin, s'interroge sur les calculs de Wise. En plus des trois experts, une « évaluation administrative », habituelle selon les usages complexes de ce groupe du Parlement européen appelé Stoa, a été rédigée. Son auteur est un Français, fonctionnaire à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, le docteur Philippe Gaillochet. Il a rédigé son évaluation en anglais.

Or, il s'avère que le contre-rapport publié par La Presse de la Manche ressemble à s'y méprendre au travail du docteur Gaillochet. « On m'a dit qu'il existait un papier en français qui ne correspondait pas tout à fait à ce que j'avais écrit », raconte Philippe Gaillochet au Figaro. Son évaluation n'était, selon le règlement du Stoa ou selon l'usage des révisions des publications scientifiques, pas destinée à être publiée. Le 23 octobre, en pleine polémique, le Stoa a souhaité publier le rapport Wise ainsi que les trois révisions scientifiques et celle du docteur Gaillochet. Devant cette décision, celui-ci a démissionné de ses fonctions d'assesseur au Stoa.

Qui a traduit, maquillé et diffusé le travail du docteur Gaillochet ? Bernard Cazeneuve, le député-maire de Cherbourg, qui s'en est déjà expliqué dans La Manche libre (2), interrogé par Le Figaro, affirme n'avoir « jamais vu ce document ». Il ne nie pas en revanche que la
mairie, qui reçoit « des tonnes de documents sur le nucléaire », ait pu le diffuser. Le maire préside la Commission spéciale permanente d'information de la Hague et, à ce titre, diffuse de nombreux documents sur le nucléaire. « C'est de l'agitation antinucléaire », résume-t-il, habitué aux joutes avec Wise, Greenpeace et les associations locales. La preuve ? Le rapport Wise n'était pas destiné à être publié, en septembre, avant son adoption par le panel du Parlement européen. L'association estime néanmoins qu'il y a eu « faux » et « usage de faux », un pas de plus franchi dans la guerre de communication qui sévit depuis des décennies autour de la Hague, un pas grave selon elle. Pour l'heure, une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Paris.

(1) Le Monde du 16 septembre 2001.
(2) La Manche libre du 2 décembre 2001.

Fabrice Nodé-Langlois



Les dangers du terrorisme aérien sur les installations nucléaires étudiés (On saura bientôt, que les installations ne sont pour l'instant pas sécurisées)

PARIS, 15 nov - Des études sont en cours pour évaluer la menace qui pèse sur les installations nucléaires françaises en cas d'attaques terroristes du type de celles du 11 septembre aux Etats-Unis, a annoncé jeudi le directeur de l'Autorité de sûreté nucléaire André-Claude Lacoste.

"Nous avons lancé des études sur les conséquences éventuelles d'un acte de terrorisme aérien (sur les installations nucléaires)", a précisé devant la presse M. Lacoste.

Des études ont également été demandées aux exploitants de ces installations (EDF, COGEMA...) et un premier point doit être fait d'ici la fin de l'année, a-t-il ajouté.

Le risque d'un attentat suicide avec un avion de ligne contre une centrale nucléaire n'a jamais été envisagé. Seule la chute accidentelle d'un petit avion d'affaires a été pris en compte dans la conception des centrales, le risque de crash accidentel d'un avion de ligne étant considéré comme trop faible.

La situation est identique dans tous les pays, sauf en Allemagne où ont également été pris en compte les risques de chute d'un avion militaire, a précisé le directeur de l'Autorité de sûreté.

Selon un rapport au parlement européen de WISE, un organisme d'études réputé pour ses positions anti-nucléaires, un attentat contre les installations de retraitement de la COGEMA à La Hague (Manche) pourrait avoir des conséquences catastrophiques, "l'équivalent de 67 Tchernobyl". "L'étude de WISE semble exagérée", a estimé M. Lacoste. (Très fort puisqu'il reconnaît qu'il n'a pas fait les études...)

 

Une quarantaine de militaires installés à Flottemanville-Hague
LA HAGUE 19 octobre -
Une quarantaine de militaires de l'armée de l'air, arrivés vendredi matin à Flottemanville-Hague (Manche) avec cinq camions de transmission, un camion radar et deux autres camions, se sont installés dans un camping de cette commune à la position stratégique.

Le site est le point culminant du nord Cotentin à 183 mètres au-dessus du niveau de la mer avec vue sur le site Cogema, distant d'environ cinq kilomètres.

Virulentes chez les militants antinucléaires, les réactions face à cette protection renforcée du site en cas d'attaque, se teintaient vendredi de fatalisme parmi la population locale.

''Cela fait vingt ans que nous disons que si un jour un avion s'écrase sur la Cogema, ce sera une catastrophe sans précédent'', s'est écrié Yannick Rousselet, représentant de l'organisation écologiste Greenpeace à Cherbourg.

De son côté, Didier Anger, conseiller régional des Verts a estimé que ''protéger le supermarché du plutonium et la poubelle nucléaire du monde ne suffit pas à rassurer. Les terroristes peuvent très bien entrer à l'intérieur du site''

Dans le village, fort de 800 habitants, la vie se poursuivait sans modification. ''On se sent protégé maintenant. Mais cela fait des années que nous vivions à côté de cette usine qui, on le sait représente un danger. Alors cela ne change pas grand chose'', a commenté une habitante à la sortie de l'école.

 

L'armée de l'air en place pour protéger le complexe nucléaire de La Hague
FLOTTEMANVILLE-HAGUE (Manche), 19 oct -
 Une vingtaine de camions, un radar déployé, des militaires qui devisent : l'armée de l'air a pris position dans la nuit de jeudi à vendredi à Flottemanville-Hague (Manche) dans un champ dominant la presqu'île de La Hague où se trouve le centre de retraitement des combustibles nucléaires que le gouvernement a décidé de protéger.
Un lieutenant du Centre de détection et de contrôle mobile (CDCM) de la base aérienne (BA) 128 de Metz explique que le radar en cours d'installation, dans ce champ entouré d'un talus planté de fougères, va surveiller la région dans un rayon de 150 km et qu'il est "optimisé" pour détecter des engins volant à basse et moyenne altitude.

"Dans chaque véhicule du CDCM, des techniciens sont prêts à traiter les données reçues avant de les transmettre au Centre de conduite des opérations aériennes de Taverny (Val d'Oise)", dit-il.

Le lieutenant cite la présence sur place d'hommes de l'escadron de transport 02.064 Anjou de la BA 105 d'Evreux qui sert de "support logistique". Il se veut pédagogue : "Ici, en cas d'incident, on sert d'alerte. On dit qu'il y a quelque chose d'anormal et on donne à notre hiérarchie la capacité de prendre une décision".

L'officier ne confirme pas pourtant l'arrivée de missiles sol-air qui doivent compléter le modeste dispositif aujourd'hui en place.

"La guerre se déplace chez nous"

Durant ses explications, un hélicoptère civil, à bord duquel se trouvent probablement des photographes, survole le champ. Cela a le don d'agacer un adjudant-chef : "depuis les événements, la zone ou se trouve La Hague est interdite de survol. Le jour où il aura un Mirage au c.., cela lui fera drôle", lâche-t-il.

Les militaires se sont installés au point le plus haut de la presqu'île, à 180 m d'altitude, à proximité d'un observatoire astronomique. De là, ils ont une vue dégagée sur la rade de Cherbourg et sur le centre de retraitement de La Hague dont les installations gigantesques contrastent avec l'aspect paisible du Bocage normand.

Dans le bourg de Flottemanville-Hague qui compte 800 habitants et où beaucoup de familles ont un parent qui travaille dans le nucléaire, l'arrivée des militaires est ressentie sans état d'âme. "C'est tout à fait normal d'utiliser de tels moyens de défense dans la situation internationale incertaine que nous vivons", dit Eric, 40 ans, technicien de maintenance.

Le maire de la commune Christiane Desquesnes abonde dans ce sens. "Depuis que la nouvelle s'est répandue, je n'ai reçu aucun coup de téléphone affolé ou paniqué d'un habitant de Flottemanville", assure-t-elle.

Seule, Dominique, une femme au foyer de 41 ans, se montre plus nuancée : "Il ne faut certes pas céder à la panique mais cela veut quand même dire que la guerre se déplace chez nous et qu'elle n'est pas que dans l'écran de télévision à la grand-messe du 20h00".