Mine d'uranium de Mounana: Areva n'a "rien à cacher", affirme sa présidente
AOMORI (10 avril 2007) - Le groupe nucléaire français Areva, accusé par des associations de "négligence fautive" dans la gestion de la mine d'uranium de Mounana (Gabon), n'a "rien à cacher" et jouera "la transparence absolue", a affirmé mardi à l'AFP sa présidente, Anne Lauvergeon. [...]

 

 

Libération, 5 avril 2007:

Areva, miné par un nouveau bilan de santé

Des associations accusent le groupe nucléaire français de ne pas avoir informé d'anciens travailleurs de son site d'uranium au Gabon des risques sanitaires.

Areva pensait peut-être en avoir fini avec ces maudites ONG. Et plus particulièrement l'association de juristes internationaux Sherpa. Le groupe nucléaire français avait tant bien que mal réussi à éteindre le feu médiatique allumé par Sherpa en 2005 sur les conditions sanitaires d'exploitation de sa mine d'uranium d'Arlit au Niger ( Libération du 9 mars 2005). Après la menace d'une attaque en justice (abandonnée), la polémique était retombée. Elle est revenue hier par la fenêtre de la mine d'uranium de Mounana au Gabon obligeant Areva à de grotesques contorsions. Explication.

Pathologies. Hier à Paris, l'association Sherpa, en coopération avec la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (Criirad) et Médecins du monde, était accompagnée d'anciens travailleurs gabonais et expatriés du site. Ils venaient dénoncer l' «existence d'un risque sanitaire connu», l' «absence coupable d'information sur ces risques», et le «maintien volontaire dans l'ignorance», de la plupart des salariés du site gabonais.  L'enquête est basée sur des questionnaires distribués à 17 anciens expatriés et à 481 ex-salariés du site, exploité de 1960 à 1999. Parmi les travailleurs gabonais, 243 (soit 50,5 %) disent souffrir de problèmes pulmonaires, certains avec des pathologies associées (cardio-vasculaires, dermatologiques). «Contrairement à notre enquête sur Arlit, se félicite Yann Kueinnec, de Sherpa, nous avons obtenu le concours de Médecins du monde, ce qui nous donne plus de poids.» 

Menace. Pour Michel Brugière, directeur général de MDM, «le plus choquant c'est que l'hôpital de Mounana, qui vivait totalement sous la dépendance d'Areva, n'avait jamais été formé aux maladies pulmonaires liées au métier de l'uranium. Et donc ne faisait aucun travail de prévention et de suivi». Aussi Sherpa agite à nouveau la menace d'une attaque en justice si Areva refuse la création d'un fond d'indemnisation aux anciens travailleurs de ses mines.

Hier Yves Dufour, le porte-parole d'Areva jugeait cette proposition «prématurée». Et mettait en avant la création ? annoncée comme par hasard il y a une quinzaine de jours ? d'observatoires de la santé autour de tous ses sites d'extraction de l'uranium. «Ces structures pourront d'ailleurs être ouvertes à des ONG comme Médecins du monde», rajoute Dufour. Une annonce qui a le don d'agacer Sherpa. «Areva ne bouge que quand on se met à parler», se lamente Kueinnec. Encore plus drôle, Areva assurait hier que l'étude indépendante promise en 2005 sur l'état de son hôpital nigérien était d'ores et déjà disponible sur son site. Avant de reconnaître que «pour des raisons techniques», sa lecture, était impossible.

Grégoire BISEAU

 

 

Synthèse CRIIRAD, 4 avril 2007:
La CRIIRAD dénonce les conditions d'exploitation de l'uranium par les filiales d'AREVA en Afrique (Niger et Gabon).

 

www.afrik.com, 4 avril 2007:

Contamination à l'uranium au Niger et au Gabon: Areva accusée
« On voyait nos camarades mourir sans comprendre pourquoi »

Scientifiques, juristes, médecins et victimes ont dressé mercredi un réquisitoire accablant sur les activités d'exploitation d'uranium de la société française Areva au Niger et au Gabon. Jugée opaque dans la gestion de l'information, l'ex-Cogema est accusée d'avoir sciemment laissé ses employés et les habitants des zones minières qu'elle exploite exposés à d'importants taux de contamination radiologiques. ·

Mercredi, les juristes, les scientifiques, les médecins (Médecins du monde) et les représentants des associations de victimes des mines d'Arlit et de Mounana, au Gabon, fermée depuis 1999, ont présenté les conclusions de trois ans d'enquêtes à Paris. « Nous avons de très sérieuses raisons de penser que des Africains et des expatriés français ont contracté des maladies seulement en raison des manquements d'Areva » en matière de protection de la santé et de l'environnement, a expliqué William Bourdon, le président et fondateur de l'association Sherpa.

Le chanteur nigérien Abdallah Oumbadougou avait expliqué en novembre dernier à Afrik, lors d'une interview, qu'il envisageait de quitter sa ville natale, Arlit, à 250 Km au nord d'Agadez, parce qu'il craignait pour la santé de sa famille. Guizmo, son partenaire musical français dans le collectif Désert Rebel, lui avait parlé d'un reportage selon lequel l'exploitation des mines d'uranium d'Arlit par Areva (ex-Cogema) serait à l'origine d'une pollution de l'eau potable et de nombreux décès dans la région.

Diffusé sur la chaîne privée Canal +, en 2004, il montrait l'association de juristes internationaux Sherpa et l'équipe de scientifiques de la Criirad (Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité) lors de leur première mission, en 2003, sur la situation des travailleurs de l'ex-Cogema à Arlit. Une ville bâtie en plein désert, dans les années 1970, pour les besoins de l'exploitation du précieux minerai, et qui atteint aujourd'hui 70 000 habitants.

Les résidus radioactifs « exposés à tous les vents »

Selon les associations accusatrices rasemblées mercredi à Paris, Areva et ses filiales ­ Somaïr et Cominak au Niger, la Comuf au Gabon ­ ont volontairement maintenu leurs employés dans la méconnaissance des risques qu'ils encouraient à travailler dans les mines. « Ce n'est qu'en 1986 qu'il y a eu une timide sensibilisation », a expliqué Almoustapha Alhacen, ouvrier dans les mines d'Arlit et président de l'association nigérienne de protection de l'environnement Aghir N'Man. Fondée en 2000, c'est elle qui a sollicité la Criirad en 2003 pour évaluer la situation radiologique sur le terrain.
« On voyait nos camarades mourir sans comprendre pourquoi », se souvient-t-il.

Après avoir échoué à faire interdire la mission exploratoire à Arlit, le directeur de la Cominak va parvenir à faire confisquer le matériel de mesure des scientifiques à la douane de Niamey, selon le rapport des associations. Ces derniers parviendront néanmoins à conserver des instruments dont les relevés seront sans appel : « Le taux de contamination de l'eau distribuée à la consommation dépasse largement les normes de l'OMS », assure Bruno Chareyron, responsable de la Criirad. Le laboratoire scientifique a également mesuré des pièces de ferrailles fortement contaminées sur le marché de la ville et constaté que les résidus radioactifs (500 0000 Becquerels par kilogrammes) étaient entreposés à l'air libre, « exposés à tous les ruissellements et tous les vents ».

Areva n'a pas de maladies professionnelles

Areva a répondu aux contrôles de la Criirad par des mesures effectuées par ses experts et selon lesquels il y a une absence de contamination de l'eau distribuée à Arlit, selon Bruno Chareyron, qui regrette cette stratégie de la négation pure. Le but d'Areva, accuse le rapport des associations, est de rendre impossible l'établissement d'un lien de causalité entre l'exposition au rayonnement et les maladies développées qui pourraient lui coûter cher. C'est pourquoi la société garde secret les rapports d'enquête qu'elle effectue, comme celui qu'elle a réalisé en 1986 à Mounana.

C'est dans cette ville que Jacqueline Gaudet a passée 15 ans de sa vie. En 2005, elle a créé Mounana, l'association des anciens travailleurs expatriés du site minier, « pour la simple et bonne raison qu'il y a trop de cancer chez les expatriés », a-t-elle expliqué mercredi. Elle-même a perdu successivement son mari, son père et sa mère d'un cancer en l'espace de 10 ans après être rentrée en France. Areva lui a expliqué n'être pas concernée par la maladie de son père, mort d'un cancer du poumon liée à une exposition au radon, car il était assuré pour cette maladie par la Caisse de sécurité sociale gabonaise. Quant aux dossiers médicaux, elle n'y a pas accès. Dans ces circonstances, « c'est facile pour Areva de dire qu'elle n'a pas de maladie professionnelle », se désole-t-elle.

« Le développement durable au cour de la stratégie Areva »

Anticipant le battage médiatique préparé par les associations, Areva a annoncé le 16 mars dernier sa volonté de créer un « Observatoire de la santé autour de ses sites miniers ». « Une avancée positive à laquelle nous devons répondre avec toutes les précautions d'usage », estime le vice-président de Sherpa. Quant à Almoustapha Alhacen : « J'avoue que je n'ai pas confiance en eux car ils sont spécialistes en publicité », explique-t-il presque gêné.

Dans le communiqué annonçant sa proposition, Areva assure mettre « le développement durable au cour de [sa] stratégie », de même qu'elle contribue à « répondre aux grands enjeux du XXIe siècle : la préservation de la planète et la responsabilité vis-à-vis des générations futures. » Sherpa, qui a déjà poussé Total à indemniser des ouvriers birmans, a prévenu qu'elle disposait de suffisamment d'éléments pour entamer « une ou des procédures » en justice « longues et complexes » en France.

Lire aussi : Contamination radioactive au Niger ?

Saïd Aït-Hatrit


Nucléaire : des associations accusent Areva de "négligence fautive" au Gabon et au Niger

4/4/07 - Des associations dénoncent une "négligence fautive" dans la gestion, par une filiale d'Areva, de la mine d'uranium de Mounana (Gabon) et demandent au groupe nucléaire français de "prendre ses responsabilités" environnementales et sanitaires au Gabon et au Niger.
 
Dans un rapport d'enquête rendu public mercredi à Paris lors d'une conférence de presse, l'association de juristes Sherpa, en coopération avec la CRIIRAD, Médecins du Monde et les associations d'anciens travailleurs gabonais et expatriés du site pointe "l'existence d'un risque connu", "l'absence coupable d'information sur ces risques", et "le maintien volontaire dans l'ignorance". L'enquête, similaire à celle menée à Arlit (Niger) en 2005, est notamment basée sur des questionnaires distribués à 17 anciens expatriés et à 481 anciens salariés gabonais de ce site exploité de 1960 à 1999, dans la région du Haut-Ogooue (sud-est du Gabon).
 
Les résultats montrent "une sous-estimation généralisée des risques sanitaires et environnementaux liés à l'activité de la Comuf (filiale de la Cogema devenue Areva) qui relève de la négligence fautive", estime le rapport, tandis qu'Areva assure n'avoir "rien à cacher" et propose la création d'"observatoires de la santé" autour des sites.
"Dans cette mine, même les expatriés descendaient en short, sans masque, sans casque", affirme Michel Brugière, directeur général de MDM. Sur les 17 expatriés, 11 font état de cancers attestés par un médecin de MDM, dont quatre sont décédés.
 
Parmi les travailleurs gabonais, 243 (soit 50,5%) disent souffrir de problèmes pulmonaires, certains avec des pathologies associées (dermatologiques, ophtalmologiques ou cardiovasculaires). "Employés et population ont été exposés parfois pendant plus de 20 ans à de la radioactivité dans l'air (poussières radioactives ou gaz radon), à l'extérieur ou dans des bâtiments construits avec des résidus radioactifs (habitations, maternité, école, marché couvert), ou encore par ingestion" (d'aliments contaminés), a expliqué Bruno Chareyron de la CRIIRAD.
 
"Nous avons bien enregistré les inquiétudes des travailleurs et proposé l'idée novatrice d'observatoires de la santé, sous l'égide des autorités nationales, avec la participation d'organismes scientifiques et d'ONG", a déclaré mercredi Yves Dufour, directeur des actions de solidarité et de développement dans les territoires (Activité minière, Areva). Selon les associations, la très grande majorité des travailleurs gabonais et expatriés interrogés ont dit n'avoir jamais été informés des risques.
 
Durant la période d'exploitation du site, les employés gabonais bénéficiaient d'un suivi médical dans un "hôpital Comuf" mais depuis sa fermeture, ils doivent payer soins et médicaments, la plupart n'en n'ayant pas les moyens. "Certaines pathologies peuvent se déclarer des dizaines d'années après l'exposition. Il faut que ces gens soient suivis et indemnisés", insiste le Dr Brugière.
 
Jean-Pierre Getti, de Sherpa, affirme que des poursuites sont envisageables notamment au pénal pour "blessures et homicides involontaires" et "mise en danger de la vie d'autrui". Sur le plan environnemental, dans les années 60-70, "des millions de tonnes de résidus d'extraction d'uranium (boues radioactives) étaient simplement versés dans la rivière, souligne M. Chareyron.
 
Ces déchets sont radioactifs de façon quasi éternelle" (75.000 ans). Des mesures de contrôles (personnes et sites) avaient bien lieu mais les résultats n'ont jamais été rendus publics. Les associations demandent "un état des lieux complet et indépendant" y compris après le "réaménagement" du site, financé par l'Union européenne.