Le Figaro, 26/04/2005 : 

Des médecins lillois en terres biélorusses

Une association pionnière dans l'étude des contaminations

Dans les territoires contaminés par Tchernobyl (Biélorussie, Russie, Ukraine), plus de deux millions de personnes ingèrent chaque jour des faibles doses de radioactivité. Dix-neuf ans après l'accident, on ne sait toujours pas quelles conséquences peut avoir cette contamination sur la santé humaine, et tout particulièrement celle des enfants. Les autorités locales ne souhaitent pas le savoir, craignant des difficultés supplémentaires.

La communauté scientifique met en doute les diagnostics catastrophistes rapportés par certains médecins ou chercheurs car ils ne correspondent pas aux modèles établis par Hiroshima-Nagasaki. En France, seule une petite ONG de médecins et de radiophysiciens soutenue par le conseil régional du Nord-Pas-de-Calais a étudié sur place cette question.

Dès 1993, en plus d'un soutien médical humanitaire dans la région de Moghilev, dans l'est de la Biélorussie, l'association Avicenne a collaboré avec le centre d'oncologie chirurgicale de Minsk (Biélorussie). C'est là qu'a été repérée pour la première fois une forte augmentation de cancers de la thyroïde chez les enfants contaminés. Pour en savoir plus sur les pathologies non cancéreuses, Avicenne a mis en place des études sur les pathologies gastriques et cardiaques ainsi que sur les perturbations immunitaires diagnostiquées chez les enfants.

Du matériel biologique (biopsies, sérum) a été analysé au CHRU et à l'Institut Pasteur de Lille et comparé à celui d'enfants du Nord-Pas-de-Calais. «Présentés à Lille en 2000, ces travaux préliminaires avaient montré l'intérêt de lancer des recherches plus approfondies», témoigne Marie-Hélène Montaigne, fondatrice de l'association. Des perturbations bien réelles avaient été constatées. Mais ces travaux sont passés totalement inaperçus. «Nous avons été étonnés des difficultés que nous avons eues pour publier les résultats. Visiblement, ils gênent tous ceux qui prétendent que la contamination chronique est inoffensive», témoigne Marie-Hélène Montaigne. Ces recherches ont été arrêtées pour des raisons politiques. Le gouvernement biélorusse a interdit en 2001 toute sortie de matériel biologique (le pays est dirigé d'une main de fer par le président Loukatchenko). Cette mesure a été prise au moment de l'arrestation de Youri Bandazevsky, un chercheur qui étudiait depuis plusieurs années les conséquences de la contamination chronique sur les enfants.

Yves Miserey

 

A voir:
"Tchernobyl :
Questions d'avenir"
Reportage sur les conséquences médicales de Tchernobyl en RealVidéo 21 kb.