Le Progrès de Lyon, 26 février 2007:

Le « médecin de Tchernobyl » élève la voix

Youri Bandazhevsky, scientifique biélorusse, a donné une conférence hier, à Lyon, au salon Primevère. Depuis sept ans, il demande à poursuivre ses travaux. Ceux qui ont fait, comme il le dit « basculer son destin ».

«Je suis resté pendant neuf ans coupé du monde extérieur. Il ne me restait que les travaux que j'ai effectués auparavant et qui constituent le sens de ma vie ». Youri Bandazhevsky est un scientifique biélorusse qui a une idée en tête : poursuivre ses recherches sur l'impact des éléments radioactifs dans le corps humain.
Le professeur se définit comme un anatomopathologiste, à savoir, un médecin spécialiste étudiant la nature, la pathogenèse (1) et l'évolution des maladies chez les humains.
Hier, au salon Primevère consacré à l'écologie et aux alternatives, il a donné une conférence sur le thème de la liberté d'information pour les scientifiques. Il s'agissait là de l'une de ses rares interventions publiques en France.
Depuis son arrivée, en avril 2006, le médecin est resté assez discret. Sa situation n'est en effet pas des plus confortables en raison de l'objet même de ses travaux de recherches. Ceux qui ont fait, comme il le dit « basculer son destin ».

Le césium 137 est bien présent
En 1990, le scientifique, alors directeur du laboratoire central de recherche scientifique de Biélorussie, s'installe à Gomel pour se lancer dans l'étude des effets de la catastrophe de Tchernobyl sur la santé de la population. Selon ses conclusions, des éléments radioactifs, notamment le césium 137 sont bien présents dans le sol, et continuent de s'accumuler, via les aliments, dans le corps humain. Les doses sont suffisamment élevées pour être nocives sur différents organes (coeur, foie, rate, cerveau) en particulier chez les enfants.

Accueilli par Clermont-Ferrand
Critique sur la gestion par son pays de l'après Tchernobyl, Youri Bandazhevsky est arrêté en 1999 dans le cadre de mesures d'urgence destinées à combattre le terrorisme. Il est ensuite accusé de corruption et condamné à 8 ans de réclusion. Libéré en 2005 sous la pression d'Amnesty International et des autorités européennes, il est accueilli en avril 2006 par Clermont-Ferrand, ville jumelée avec Gomel. Depuis, le professeur espère pouvoir poursuivre ses travaux, grâce au soutien de la Criirad (Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité).
Devant le refus, tout récent, des autorités biélorusses, concernant l'ouverture d'un nouveau laboratoire de recherches (Lire ci-contre) il vient de décider de sortir de sa réserve, prudente, jusqu'alors privilégiée. « Dans les zones contaminées, le taux de mortalité est devenu plus important que le taux de natalité » assure-t-il. « Cette situation doit cesser et doit faire l'objet d'une préoccupation internationale ».

(1) La pathogenèse est l'étude des causes et du développement des maladies.

Muriel Florin

 

Le Progrès de Lyon, 26 février 2007

Un projet de laboratoire indépendant

80 % du financement a été réuni. Il pourrait ouvrir dans trois mois, en Biélorussie

«Nous venons d'apprendre que le projet d'un laboratoire indépendant sous forme d'ONG (organisation non gouvernementale, ndlr) a été refusé par les autorités biélorusses », a annoncé hier Roland Desbordes, président de la Criirad.
De sa prison, Youri Bandazhevsky avait demandé secours à l'association, dont l'objet est de « lutter contre toute mesure autorisant, la contamination des denrées alimentaires ».
Depuis, la Criirad soutient activement le scientifique. Celui-ci dispose d'une bourse de recherches, attribuée par le Conseil régional d'Auvergne jusqu'en juin 2007, mais souhaiterait poursuivre ses travaux dans son pays.
Roland Desbordes affirme avoir réuni 80 % des financements (sur un budget estimé à 150 000 euros) et trouvé le matériel nécessaire. La femme du scientifique, salariée par la Criirad, travaille déjà sur le projet.
Selon le président de la Criirad, la France, consultée sur le projet d'ONG, aurait émis un avis négatif sur l'ouverture. Suite à ce refus, la Criirad a décidé de créer, à Minsk ou à Gomel, un laboratoire privé dont les statuts nécessitent un moindre contrôle. L'ouverture est envisagée dans trois mois.

M.F.