24 Heures (Suisse), 8 novembre 2006:

Les retombées judiciaires de Tchernobyl

PARIS
La Cour des droits de l'homme a réhabilité Noël Mamère, condamné pour ses propos dénonçant la manière dont la France a minimisé la portée du nuage radioactif.

La liberté d'expression a obtenu, hier à Strasbourg, une nouvelle consécration: la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la France pour s'en être pris à Noël Mamère; le député des Verts avait été reconnu coupable, par la justice de l'Hexagone, de diffamation publique envers un fonctionnaire.

En octobre 1999, lors de l'émission Tout le monde en parle animée par Thierry Ardisson sur France 2, Noël Mamère avait eu des propos très durs à l'égard de Pierre Pellerin, directeur du Service central de protection contre les rayons ionisants au moment de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. Le député des Verts l'avait qualifié de «sinistre personnage» n'arrêtant pas de raconter que «la France était tellement forte ­ complexe d'Astérix ­ que le nuage de Tchernobyl n'avait pas franchi nos frontières».

Dans son arrêt, la Cour des droits de l'homme souligne que l'on se trouve dans un cas qui exige un niveau élevé de protection du droit à la liberté d'expression, et ce à double titre. D'une part parce que les termes employés par Noël Mamère se rapportaient à des sujets d'intérêt général (protection de l'environnement et santé publique) et qu'ils s'inscrivaient dans un contexte particulier (insuffisance des informations données à la population quant aux niveaux de contamination et aux conséquences sur la santé). D'autre part parce que «ses propos relevaient de l'expression politique ou militante».

La Cour reproche à la justice française de n'avoir pas autorisé Noël Mamère à prouver la véracité de ses paroles diffamatoires, parce qu'elles portaient sur des faits datant de plus de dix ans. «Lorsqu'il s'agit d'événements qui s'inscrivent dans l'Histoire ou relèvent de la science (), le débat se nourrit de nouvelles données susceptibles de permettre une meilleure compréhension de la réalité des choses», relèvent les juges qui ne manquent pas de souligner que M. Pellerin a été mis en examen, en mai dernier, pour «tromperie aggravée» dans le cadre d'une instruction ouverte suite à des plaintes de victimes d'un cancer de la thyroïde.

A aussi été reproché la raideur de la justice lorsqu'elle conclut à l'absence de bonne foi de Noël Mamère à cause du «défaut de modération» de son discours. A propos de «prudence dans l'expression», les juges notent qu'elle aurait d'abord dû être le fait de M. Pellerin, sur l'évaluation des dangers et risques courus par les Français au le lendemain de la catastrophe nucléaire...

MICHEL EGGS