Le Monde, 26/04/2005 : 

Areva est accusée de contaminer l'eau potable d'Arlit, au Niger

L'entreprise nucléaire française Areva ne respecterait pas, dans ses mines d'uranium au Niger, les normes sanitaires qu'impose en France la réglementation : c'est ce que devaient annoncer, lundi 25 avril, en s'appuyant sur des documents de sous-traitants de l'entreprise obtenus par une équipe de la chaîne de télévision Canal+, les associations Sherpa et CRII-Rad (Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité).

Cette accusation intervient alors qu'une polémique se poursuit depuis plus d'un an sur le comportement d'Areva, qui contrôle, par le biais de sa filiale Cogema, deux entreprises d'extraction de l'uranium dans le nord du Niger, la Somaïr et la Cominak. Lancée par une association locale, Aghir In'Man, elle met en cause le respect par Areva des normes de protection contre la radioactivité pour les travailleurs et la population de la ville (Le Monde daté 17-18 avril).

Sherpa et la CRII-Rad ont analysé des échantillons d'eau et constaté que les indices de deux types de radioactivité, alpha et bêta, dépassent les normes de l'Organisation mondiale de la santé. Selon la réglementation française, dans une telle situation la "dose totale indicative" (DTI, dose absorbée par les consommateurs d'eau) doit être inférieure à 100 microsieverts par an. Selon la CRII-Rad, la charge radioactive des eaux analysées "conduit à un dépassement des normes de potabilité internationales".

Cette information est confirmée par des lettres écrites à la Somaïr par le laboratoire d'analyse de l'eau utilisée par la Somaïr, Algade, filiale de la Cogema jusqu'en 2001. Dans ces lettres, parvenues à Canal+ qui les présentera lundi dans son émission "90 minutes", le chef du département radioprotection d'Algade, Sylvain Bernhard, écrit le 10 septembre 2004 que "les critères de potabilité des eaux retenus par la directive européenne du 3 novembre 1998 et repris dans la réglementation française (décret nº 2001-1220) ne sont pas respectés par les deux échantillons prélevés en surpression 2 et ZI". 2 et ZI désignent deux châteaux d'eau des villes minières.

RÉSULTATS CONFIRMÉS

Une lettre précédente de M. Bernhard, datée du 12 février 2004, notait déjà le dépassement, précisant que "les résultats du 2e semestre -2003- confirment les résultats du 1er semestre", ce qui indique que la contamination est pérenne. La lettre ajoute que, "pour la station Surpression ZI, les eaux ne respecteraient pas le critère de potabilité préconisé par la directive européenne et la réglementation française".

Ces documents contredisent un dossier de presse d'Areva qui, en février, affirmait que les analyses de l'eau "montrent une absence de contamination". La firme a par ailleurs commandité une étude à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Publiée le 15 avril, cette étude indique à propos de l'eau que les analyses "mettent en évidence des concentrations supérieures en certains points de mesure".

Hervé Kempf