Vraies-fausses publicités dans les magazines pour jeunes: Sortir du nucléaire épingle Areva
(voir le dossier de Sortir du nucléaire)

 


Le Canard Enchaîné, 13/5/2009: 

Areva mon amour

Voilà quelques mois, EDF et Areva faisaient passer dans plusieurs magazines pour jeunes des publicités déguisées, présentées comme des jeux-concours ou des dossiers (« Le Canard », 3/12/08).

Ce qu'a dénoncé le réseau Sortir du nucléaire, lequel, en portant l'affaire devant le Jury de déontologie publicitaire (lequel a reconnu le bien-fondé de la plainte et morigéné les annonceurs), a eu la surprise d'accéder à de très distrayants documents confidentiels : les conventions signées entre Areva, d'une part, Milan jeunesse (« Les clés de l'actualité junior »), Bayard (« Images Doc ») et Mondadori (« Sciences et Vie junior »), d'autre part.

Qu'y découvre-t-on ? Toutes les ficelles grâce auxquelles le géant du nucléaire s'ingénie à semer la confusion en faisant passer des pubs pour du rédactionnel. D'abord et avant tout, Areva réclame la confidentialité absolue sur cette convention de prestations. Chut ! Que personne ne sache !

Puis, alors qu'il dispose de son propre et puissant service de pub, il demande aux rédactions des magazines elles-mêmes d'assurer « la conception, la rédaction et la maquette » des articles à la gloire du nucléaire. Ensuite, il organise l'embrouille visant à faire croire aux lecteurs qu'ils vont lire de vrais articles et non des pubs. Ainsi est imposée une « charte graphique » qui se veut un « compromis entre la charte graphique d'Areva et celle du magazine "Sciences et Vie junior" ».

Enfin, il détourne volontairement l'obligation légale d'identification de la publicité: au lieu de la mention «Publicité » recommandée par l'Autorité de régulation de la Publicité, il demande expressément que soit, dans le même cartouche, inclus « le logo "Sciences et Vie junior"» et la mention « Publi-info », ce qui accrédite l'idée qu'il s'agit d'un encart réalisé par la rédaction.

Ce qui est vrai, au fond. A part qu'il est payé par l'annonceur. Pour leur boulot de mercenaires, en effet, les trois magazines ont touché en tout plus de 120 000 euros. L'amour du nucléaire, ça n'a pas de prix.

 


Europe 1, 7/5/2009: 

Les publicités pour enfants d'Areva pointées du doigt

Le Jury de déontologie publicitaire, interpellé par le réseau Sortir du nucléaire, a estimé dans une décision récente que certains documents présentés comme des articles dans des journaux pour enfants étaient bien de la publicité en faveur de l'énergie nucléaire commandée par le groupe Areva.

Sur une double-page publiée en janvier, les jeunes lecteurs de L'Actu et de Mon Quotidien ont pu découvrir le fonctionnement d'une centrale nucléaire. Un document précis, bien illustré, rédigé "en collaboration avec Areva" mais où la mention "publicité" n'apparaissait pas. Le Jury de déontologie publicitaire a pourtant estimé le 24 avril dernier qu'il s'agissait bien là d'une publicité.

Le JDP, qui est le nouvel organe chargé de statuer sur les plaintes du grand public à propos des publicités, a ainsi répondu favorablement à une requête du réseau Sortir du nucléaire. Cette organisation a diffusé jeudi des copies des accords confidentiels entre Areva et des groupes de presse. On peut notamment y lire : "Areva souhaite faire concevoir et réaliser un livret publicitaire d'information pédagogique de 4 pages sur l'énergie nucléaire à destination des enfants âgés de 8 à 12 ans".

Areva avait fait valoir de son côté que le document présentant une centrale nucléaire avait "été traité de façon à ce que cela soit compris par le lectorat" comme une publicité et qu'il n'était que joint au journal dans un film plastique. "Les méthodes d'Areva sont d'autant plus injustifiables qu'elles visent des jeunes lecteurs (...) Une fois de plus, l'industrie nucléaire montre qu'elle a autant de mépris pour les êtres vivants, y compris les enfants, que pour l'environnement", a rétorqué le réseau Sortir du nucléaire.

 


Politis, Politis, 7/5/2009:

Les vraies fausses pubs d'Areva

Nucléaire - Le Jury de déontologie de la publicité a récemment condamné des publi-reportages pronucléaires parus dans des magazines pour enfants qui avaient passé contrat avec Areva ou EDF

Coup sur coup, les entreprises Areva et EDF viennent d'être épinglées en flagrant délit de tromperie publicitaire par le Jury de déontologie de la publicité (JDP), saisi par le Réseau "Sortir du nucléaire". Le tort de ces mastodontes, les deux plus importants opérateurs du nucléaire au monde dans leurs secteurs (construction de centrales, filière du combustible, exploitation de centrales) : avoir financé des publicités déguisées sous forme de pseudo-informations journalistiques, avec la complicité bienveillante et intéressée de plusieurs magazines pour la jeunesse, dont les éditeurs se trouvent conjointement blâmés pour ces manoeuvres.

C'est le Réseau Sortir du nucléaire, auquel adhèrent 846 associations, qui a saisi début mars le Jury de déontologie de la publicité (1). L'hiver dernier, les militants s'alarment de la parution d'une salve de pages entières vantant les mérites du nucléaire dans plusieurs magazines pour enfants (2) : en novembre, Images doc et Science et vie junior ; en décembre, les Clés de l'actualité (n° 779), les Clés de l'actualité junior (n° 631), le quotidien l'Actu (30 décembre) et Science et vie junior ; et le 28janvier 2009, les quotidiens l'Actu et Mon Quotidien.

Le lecteur y voit déroulé le catéchisme de l'industrie nucléaire, un monde lisse et maîtrisé, sans l'ombre d'un écueil. Rien sur l'insoluble problème des déchets ou sur les risques de la technologie : l'atome est le fer de lance des énergies de demain, abondantes et propres, débarrassées des émissions de CO2. Les écrits portent les logos d'Areva et d'EDF.

S'agit-il d'une campagne publicitaire en bonne et due forme ? Sortir du nucléaire le conteste avec virulence : dans tous les cas incriminés, l'association relève des libertés prises avec la déontologie publicitaire, voire de franches tromperies, particulièrement choquantes alors qu'il s'agit de publications ciblant des lecteurs entre 8 et 14 ans (et au-delà pour l'Actu). « Ces pratiques nous apparaissent comme une stratégie visant à influencer un public insuffisamment expérimenté pour identifier la supercherie », juge Stéphane Lhomme, porte-parole de Sortir du nucléaire.

Ainsi, dans le meilleur des cas, est-il fait usage du terme «publi-information» pour signaler le statut des pages. Pour être d'usage fréquent en presse écrite, il déroge pourtant aux obligations faites aux annonceurs d'utiliser les termes « publicité » ou « communiqué » s'il s'agit d'une annonce payée.

Mais c'est encore le moins critiquable. Dans la plupart des cas, les pages suggèrent explicitement un partenariat entre les industriels et les médias. Ainsi, l'insertion « Les clefs de l'énergie nucléaire », signée Areva, a-t-elle été réalisée « en collaboration avec les Clés de l'actualité»; ou bien cet éclaté de centrale nucléaire en poster central, portant les logos de Mon Quotidienet de l'Actu, « en collaboration avec Areva ». « Du grand art, s'élève Stéphane Lhomme. Alors que les mentions obligatoires doivent permettre au lecteur d'identifier sans ambiguïté qu'il s'agit de publicité, ces détournements induisent l'idée que le média a apporté sa caution morale au message de l'industriel ! »

Mais certaines opérations sont allées encore plus loin, comme ce vrai faux numéro de l'Actu (10 décembre 2008), huit pages de promotion du nucléaire habillées d'une couverture copie conforme de la maquette de la publication, et servie ce jour-là aux jeunes lecteurs avec leur quotidien habituel comme un « second cahier réalisé en collaboration avec EDF». Images doc a même poussé la confusion en publiant quatre pages de prose pronucléaire maquillées sous forme d'articles, et cosignées « Areva avec Images doc ».

À la parution, Sortir du nucléaire a protesté auprès des rédactions, tentant d'obtenir, sans succès, des encarts rédactionnels pour « rééquilibrer l'information » sur le nucléaire. Fin mars, le JDP se prononce : il s'agit bien de publicités déguisées pour Areva dans le cas d'Images doc (Bayard presse) ainsi que pour EDF dans Mon Quotidien et l'Actu (éditions Play Bac), constitutives d'un défaut dans la loyauté due au lecteur. Le Jury s'en est tenu au premier niveau de l'échelle de ses sanctions : il reconnaît le bien-fondé de la plainte, et publie sur son site un avis argumenté.

On peut y lire les arguments des parties, qui, parfois, ne manquent pas de sel. EDF et Play Bac expliquent ainsi que le «second cahier» dans l'Actudu 10 décembre 2008 a été entièrement et librement réalisé par la rédaction, sans autre intervention de la part de l'électricien qu'une collaboration d'expertise, tout cela dans le cadre d'un partenariat financier plus vaste (insertions publicitaires mais aussi « l'accès à un certain nombre d'opérations de débat et de communication organisées par Play Bac »).

« En général, on rémunère les experts pour leur travail. Dans ce cas, ce sont eux qui font le chèque ! », ironise Stéphane Lhomme. Bayard Presse, éditeur d'Images Doc, ose même l'indéfendable : son encart pro- Areva ayant été rédigé par ses journalistes « et seulement corrigé par Areva », il ne s'agit pas d'une pub, mais d'un document à caractère « instructif et pédagogique » ! C'est une contrevérité flagrante, comme on peut le vérifier à la lecture du contrat de « convention de prestations » passé entre Areva et Bayard, que nous a transmis Sortir du nucléaire (3) : il s'agit bien de publicité, et l'accord précise en clair les contours de cette fabrique de messages destinés à édifier les enfants sur le nucléaire : la mise en page sera un « compromis entre la charte graphique d'Areva et de celle du magazine ; le logo d'Areva devra apparaître avec celui d'Images doc » « accompagné de la mention "avec" ».

Les deux Clés de l'actualité (titres édités par Milan, aujourd'hui disparus) ont été logés à la même enseigne, Science et vie junior (édité par Mondadori) échappant seulement à la clause de « mariage » des logos (voir encadré). Ces deux éditeurs échappent à la sanction du JDP, qui se contente de la présence des mentions « publi-info » (ou équivalent) pour justifier son absolution.

Un peu gêné quand même, le Jury reconnaît pourtant implicitement qu'il y a abus manifeste dans l'utilisation courante de telles dénominations non officielles, alors que l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) recommande que, « lorsqu'il s'adresse aux enfants, le caractère publicitaire du message doit être rapidement identifiable ».

Aussi, le JDP se fend d'une suggestion à destination de l'ARPP : que soient bannies de telles ambiguïtés pour s'en tenir à des mentions immédiatement compréhensibles par des jeunes lecteurs, telle que : « Ceci est une publicité. » Le Jury relève d'ailleurs qu'Areva utilise fréquemment « publicité » dans des publications destinées à un lectorat adulte. Sortir du nucléaire, pour sa part, ne se contente pas des positions du Jury, qu'elle considère trop timorées ­ absence de sanction pour les uns, condamnations symboliques pour les autres.

L'association envisage donc de saisir la justice pour tromperie, à moins que les magazines ne publient des rectificatifs pour informer leurs lecteurs sur les méthodes d'Areva et d'EDF. Ce qui paraît évidemment exclu : les éditeurs ont loyalement exécuté les prestations prévues par des contrats qu'ils ont signés en toute connaissance de cause.

 

(1) Voir le site www.jdp-pub.org, onglet « décisions du JDP », 18 et 28 mars 2009. Le JDP est la nouvelle instance mise en place fin 2008 par les professionnels de la publicité pour prendre le relais d'un Bureau de vérification de la publicité (BVP) obsolète et régulièrement discrédité pour sa complaisance envers les annonceurs. Le JDP peut être saisi par toute personne estimant qu'une publicité pose un problème déontologique.

(2) www.sortirdunucleaire.org, puis lien « Areva, EDF et les magazines pour les jeunes ».

(3) En ligne dès jeudi 7 mai en fin d'après-midi sur le site de l'association (www.sortirdunucleaire.org), ainsi que deux autres, liant Areva à Mondadori et à Milan.

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Science et Vie Junior étrangement blanchi

L'absolution de Science et vie junior (SVJ) fait tache dans la décision du Jury de déontologie de la publicité (JDP). Principal magazine de vulgarisation scientifique pour les jeunes, il avait publié en novembre 2008, sans mention aucune, une publicité pour Areva sous forme d'un «jeu-concours» dont les lecteurs pouvaient trouver les réponses dans « trois articles» ­ autant d'encarts publicitaires non identifiés­, disséminés dans le magazine, qui associait son nom à l'opération.
SVJ reconnaîtra son « erreur», ce qui suffira au JDP pour passer l'éponge. Le mois suivant, SVJ publie pourtant un encart intitulé «Voyage au coeur de l'énergie nucléaire». La mention «publi-info » apparaît, mais directement accolée au logo Science et vie junior dans une mise en page similaire à la couverture du magazine. Son défenseur arguera que le dossier du numéro en question étant consacré aux techniques de persuasion (publicités, etc.), les lecteurs étaient munis des clés de décryptage!

76 390 euros
C'est la facture de « Science et vie junior » pour les deux opérations publicitaires d'Areva dans ses colonnes. Milan a reçu 30 000 euros, et Bayard 23 300 euros.

 


Communiqués de presse Sortir du Nucléaire, 4/5/2009:

Vraies-fausses publicités dans les magazines pour jeunes : "Sortir du nucléaire" a fait condamner AREVA et EDF

- Sortir du nucléaire va rendre publics les contrats secrets par lesquels Areva impose ses "vraies-fausses" publicités aux magazines pour jeunes

- Les condamnations par le Jury de déontologie publicitaire (JDP) étant symboliques, "Sortir du nucléaire" se prépare maintenant à saisir la justice

 

Le Réseau "Sortir du nucléaire" se félicite de ses succès contre AREVA et EDF devant le Jury de déontologie publicitaire (JDP) :

- Areva est condamnée à deux reprises (*), pour des "vraies-fausses" publicités insérées dans les magazine Images doc (Groupe Bayard) et L'Actu (Editions Play-bac).

- EDF est condamnée (**) pour avoir publié une véritable contre-façon du quotidien pour jeunes l'Actu (Editions Play-bac), reprenant à l'identique la maquette et le titre du magazine avec hélas la collaboration de ce dernier.

Il est donc avéré, comme l'avait révélé le Réseau "Sortir du nucléaire", que les entreprises du nucléaire, EDF et Areva, font la promotion du nucléaire en trompant les jeunes lecteurs. D'ailleurs, le Réseau "Sortir du nucléaire" va rendre publics les contrats secrets - ils contiennent une clause de confidentialité - qui permettent de constater que c'est de façon parfaitement délibérée, et même soigneusement élaborée, qu'Areva fait passer ses publicités pour des jeux concours, des dossiers ou des articles qui semblent rédigés par les magazines concernés.

Considérant que les condamnations par le Jury de déontologie publicitaire sont symboliques, le Réseau "Sortir du nucléaire" envisage maintenant de saisir la justice. Cependant, une solution amiable est envisageable si les magazines concernés se déclarent disposés à publier des rectificatifs conséquents pour informer leurs lecteurs des méthodes d'Areva et EDF.

Par contre, le JDP ayant curieusement refusé de se prononcer sur le "vrai-faux" jeux concours publié en novembre dernier par Areva et le magazine Sciences et Vie Junior, le Réseau "Sortir du nucléaire" prépare d'ores et déjà une action devant la justice.

 

(*) http://www.jdp-pub.org/AREVA.html et http://www.jdp-pub.org/Areva-l-Actu.html

(**) http://www.jdp-pub.org/EDF.html