Communiqué de presse
CRIIRAD (format word) du 24 février 2004.

Courriers aux Ministères (format word) : Ministère de la Santé - Ministère de l'Ecologie - Ministère des Affaires sociales - Ministère délégue à l'Industrie

 

Synthese du rapport
"Contamination à l'uranium dans une fonderie d'Aubervilliers"

Rapport CRIIRAD référencé A-CC / 04-0211

 

 

I. Présentation succincte du dossier

La société DEBUS est spécialisée dans la récupération de métaux. Son établissement de VILLEJUIF dans le Val-de-Marne, a obtenu du ministère de l'Industrie (haut fonctionnaire de Défense) une autorisation pour détenir jusqu'à 7 tonnes d'uranium industriel (type appauvri, noté UA). Il est par ailleurs déclaré en préfecture au titre de la rubrique 1711.4b de la nomenclature des installations classées pour le dépôt (ou le stockage) de substances radioactives non scellées appartenant au groupe 4 dont fait partie l'UA. Cet établissement peut détenir, dans ce cadre, des protections biologiques à l'uranium appauvri.
Ce terme générique de " protection biologique " désigne des conteneurs ou des structures conçues pour atténuer au maximum le rayonnement émis par les sources radioactives très irradiantes que l'on place à l'intérieur. L'uranium étant une matière très dense, particulièrement efficace pour l'absorption des rayonnements gamma, il est souvent utilisé, en complément du plomb, pour la fabrication de ces protections, et ce en dépit de sa toxicité radiologique et chimique. L'établissement DEBUS a ainsi en dépôt des " têtes de Thératron ". Le terme de " tête " se rapporte à la partie des équipements de radiothérapie où se trouve logée la source radioactive de cobalt 60 et qui comporte généralement une coquille en UA. Au moins 6 têtes à l'uranium appauvri ont été envoyées de l'établissement DEBUS à la fonderie BUDIN, en violation des prescriptions réglementaires qui régissent la détention, l'utilisation et le transport de cette matière, à la fois radioactive et nucléaire.

La société BUDIN (fonderie implantée à AUBERVILLIERS, en Seine-Saint-Denis) ne détient en effet aucune autorisation (et n'a fait aucune déclaration), ni au titre des matières radioactives, ni à celui des matières nucléaires. Aucune disposition de radioprotection ni de surveillance radiologique n'est donc mise en oeuvre dans cet établissement. Trois ou 4 têtes de Thératron envoyées par DEBUS ont été fondues afin de récupérer le plomb. La température du four a malheureusement provoqué la fonte de l'uranium (en tout cas d'une partie). Cette substance radioactive s'est ainsi retrouvée pour partie dans les crasses de fusion, déchets qui ont été expédiés (avec d'autres produits) à l'usine METAL-BLANC, dans les Ardennes.

Le chargement a été transporté le 19 mai 2003 dans un camion de la société DURBECQ conduit par monsieur Dominique BRUSA (ni le chauffeur, ni le véhicule, ni les conteneurs n'étaient habilités à transporter des déchets radioactifs). Arrivé sur le site de METAL-BLANC, (entreprise spécialisée dans la récupération de plomb et implantée à Bourg-Fidèle), le chargement a déclenché l'alarme du portique de détection. C'est à partir de là que les services officiels ont été prévenus et que différentes interventions ont été effectuées. Sans le portique, la contamination passait inaperçue.


II. Demandes de la CRIIRAD relatives aux principaux dysfonctionnements identifiés.

1. Enquêter sur les bénéficiaires du délit

Faire récupérer l'uranium appauvri par une installation ­ fonderie ou autre ­ qui n'est pas autorisée à le faire coûte évidemment moins cher puisque l'opération est de ce fait exemptée des équipements, procédures et dispositifs de protection et de surveillance du personnel qui seraient autrement obligatoires. Il importe donc de rechercher et d'identifier les entreprises, publiques ou privées, qui tirent un bénéfice de la violation des dispositions législatives et réglementaires :
Ref. 2003-0211 ­ CRIIRAD ­ Lo/UA ­Min ­ ANNEXE - page 2/5

La responsabilité de la société DEBUS est à notre avis incontestable : l'expédition de matières nucléaires à un établissement non autorisé constitue une violation des dispositions de la loi 80-572, du décret 81-512 et des arrêtés des 24 juin 1982 et 14 mars 1984. En particulier, tout détenteur d'une autorisation du ministère de l'Industrie doit avertir sous 24 heures l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN), organisme en charge de l'inventaire des matières nucléaires sur l'ensemble du territoire français. Informer l'IRSN aurait nécessairement déclenché l'alerte puisque la société BUDIN n'était pas répertoriée comme installation habilitée à détenir de telles matières. La sortie de plusieurs centaines de kilogrammes (voire plusieurs tonnes) d'UA n'a pas été inscrite au registre des entrées et sorties, inscription obligatoire qui constitue la pierre angulaire du contrôle des flux de matières nucléaires. Il y a donc bien une faute grave et incontestable.

La responsabilité de la société BUDIN est loin d'être démontrée (contrairement à la première analyse de l'administration). Il n'avons à ce jour aucune preuve d'une éventuelle complicité du responsable de la fonderie BUDIN qui affirme par ailleurs qu'il n'était pas au courant de la présence d'uranium dans les équipements qui lui ont été envoyés. S'il se confirme que tel est le cas, il a été trompé et n'est que victime du délit commis par la société DEBUS. Pour lui, les conséquences sont lourdes : son entreprise a été contaminée, lui-même et son personnel ont été exposés aux poussières uranifères et il est contraint de payer pratiquement toutes les dépenses induites par le délit (analyses, décontamination, immobilisation des remorques et du chargement, etc) puisque l'administration ne connaît d'autre responsable que le producteur du déchet (à savoir les crasses de fusion). Dans le cas où l'enquête mettrait en évidence une implication quelconque de la société BUDIN, elle ne serait que secondaire au délit initial.

La responsabilité des clients de DEBUS ­ c'est-à-dire des sociétés privées ou des établissements publics qui lui ont cédé des têtes de Thératron ­ doit également être évaluée : d'où viennent les protections biologiques à l'uranium appauvri qui transitent chez DEBUS ? Pourquoi les expéditeurs s'adressent-ils à une société qui n'a aucune autorisation pour récupérer cet uranium (par découpe ou fusion) et qui va donc nécessairement sous-traiter l'opération. Quelles sont les conditions financières de reprises de ces éléments à l'UA ? Sont-elles particulièrement attractives du fait que les matières ne sont pas traitées dans les règles ? Est-ce pour cette raison que DEBUS est choisi ? La société CIS-BIO nous a assuré qu'elle avait arrêté de sous-traiter la reprise d'éléments à l'uranium appauvri en 1999. Si c'est exact, quels autres organismes sont concernés ?

La CRIIRAD demande que sur ces différents axes, l'enquête soit conduite jusqu'au bout. Le fait que la société DEBUS ait ­ comme nous l'a indiqué l'un de ses responsables ­ des contrats avec le CEA ou l'armée et soit astreinte au secret défense ne doit pas constituer un passe-droit, au contraire.

Les investigations doivent aussi s'étendre aux autorisations délivrées par les autorités, et en particulier par le ministre de l'Industrie et le haut fonctionnaire de Défense qui lui est rattaché.
L'article 4 du décret n°81-512 du 12 mai 1981 définit le contenu du dossier de demande d'autorisation de détention de matières nucléaires. Il ne doit pas s'agir d'une formalité. Il est indispensable que les autorités vérifient le pourquoi de la demande. A cet égard, l'absence d'échange entre services (les uns ne traitant de l'uranium qu'au titre des substances nucléaires, les autres au titre de sa radioactivité) constitue un handicap au sujet duquel la CRIIRAD avait déjà alerté les autorités (cf. 1998 : dossier sur les émaux à l'uranium appauvri).

Par ailleurs, nous avons eu connaissance de la teneur du courrier que le Haut fonctionnaire de Défense a adressé en août 2003 au responsable de la société DEBUS. Il interdirait toute entrée ou sortie de matières nucléaires de l'établissement... jusqu'à ce que le responsable puisse démontrer qu'à l'avenir il gèrera correctement ces matières.

Or, 1/ ce n'est pas la première fois que des " écarts " sont constatés dans cet établissement ; 2/ la réglementation prévoit des sanctions (plus sévères qu'une simple suspension) en cas d'infraction aux prescriptions ; 3/ le pourquoi du transit de ces matières par la société DEBUS n'est toujours pas éclairci.

Dans ce contexte, nous ne pouvons que nous étonner de la mansuétude dont fait preuve le Haut fonctionnaire de Défense. Elle contraste singulièrement avec son acharnement à restreindre la liberté d'expression des associations et des journalistes soucieux d'informer le public sur les dysfonctionnements qu'ils détectent dans la gestion des matières nucléaires (comme le fait la CRIIRAD dans le présent dossier). Clémence pour les sociétés qui enfreignent les règles et provoquent de coûteuses pollutions, liberté surveillée et menaces de poursuites pour ceux qui dénoncent ces comportements délictueux.
Ref. 2003-0211 ­ CRIIRAD ­ Lo/UA ­Min ­ ANNEXE - page 3/5

Il est à notre avis essentiel de vérifier 1/ si la société DEBUS ne joue pas le rôle d'une société écran permettant le traitement à moindre coût de matières dangereuses , au mépris de la santé des personnes et des risques de pollutions environnementales. 2/ si ce circuit de sous-traitance illégale constitue un cas de figure isolé ou s'il concerne d'autres installations du territoire français.

2. Rechercher les causes des retards et défaillances dans la gestion du dossier

Constats :

1.
Depuis le 19 mai 2003, une remorque contenant des crasses radioactives est bloquée sur le parking du site de METAL-BLANC. Lors de notre dernière vérification, les déchets radioactifs ­ transportés dans des bacs ouverts ­ n'avaient toujours pas été re-conditionnés.

2. la contamination de la fonderie BUDIN a été constatée en mai 2003 et le rapport d'expertise de l'IRSN envoyé aux différents responsables fin juin. Six mois plus tard, la décontamination n'avait toujours pas été effectuée et, plus grave, les travailleurs continuaient d'opérer dans des locaux contaminés et en présence de poussières radioactives ;

3.
La STMI, société privée filiale d'AREVA, qui s'est rendue en juillet 2003 à la fonderie pour effectuer des mesures et établir un devis, a ensuite laissé sans réponse la commande de Monsieur BUDIN au motif qu'il manquait un numéro sur le formulaire. En outre, quand elle finit par intervenir, en novembre/décembre elle commence par demander une seconde expertise de l'IRSN... au motif que l'état des lieux dressé en juin par cet organisme a été modifié : sachant qu'une partie de la contamination est sous forme de poussières et par conséquent mobile, les états des lieux peuvent se renouveler tous les mois sans que l'on procède jamais à l'assainissement des locaux !

4. le 4 novembre 2003, soit plus de 5 mois après la première alerte et alors que la fonderie BUDIN était placée sous surveillance de l'administration et en attente de décontamination, un deuxième transport radioactif en provenance de cette installation a déclenché le portique de détection de METAL-BLANC. Le contrôle a révélé la présence de 6 fûts radioactifs sur un total de 51. A ce jour, aucune explication convaincante n'a été donnée. Les habitants de Bourg-Fidèle, déjà touchés par la pollution chimique (saturnisme), sont ainsi confrontés à l'accumulation de déchets radioactifs sur un site non autorisé.

Sur la base de ces éléments, la CRIIRAD demande une enquête sur l'importance des retards et sur le manque de suivi du dossier. Ils ont en effet eu pour conséquence l'exposition injustifiée de travailleurs et l'aggravation de la dispersion des substances radioactives (dans l'installation BUDIN et son environnement ainsi que dans les Ardennes).

Le dossier est éclaté entre plusieurs circonscriptions et différents organismes, mais il importe de déterminer les responsabilités respectives des chefs d'entreprises, des services officiels ­ DRIRE, STIIIC, Préfectures, IRSN, DGSNR ­ et des sociétés d'expertise privées, telles STMI ou MERI. Cette analyse permettrait de mettre en place des contre feux afin que de tels enchaînements ne puissent pas se reproduire (ainsi l'obligation du retour d'information vers l'IRSN ou la DGSNR, une meilleure formation des contrôleurs, un contrôle strict des intervenants privés, la constitution d'un fonds permettant les interventions d'urgence, etc).

3. Corriger les informations officielles sur l'uranium appauvri

Dans la note d'information relative à la contamination de la fonderie BUDIN que l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) publie depuis des mois sur son site internet, l'activité de l'uranium appauvri est comparée à celle de l'uranium naturel. On lit ainsi que " la nocivité radiologique de l'uranium appauvri est moindre que celle de l'uranium naturel ".

Or, toujours d'après l'IRSN, les doses associées à l'incorporation d'uranium naturel (présent partout dans notre environnement) vont de " très faibles " à " extrêmement faibles ". Pourquoi se soucier d'une matière dont la toxicité est " moindre que très faible ", voire même " moindre qu'extrêmement faible ". Pour induire cette conclusion trompeuse, l'IRSN joue sur la double acception du terme " uranium naturel ": l'uranium que l'on trouve dans notre environnement et l'uranium industriel (extrait du minerai par broyage et attaques chimiques, puis purifié pour obtenir un produit qui n'a plus rien de naturel et qui va servir à la fabrication du combustible nucléaire).
Ref. 2003-0211 ­ CRIIRAD ­ Lo/UA ­Min ­ ANNEXE - page 4/5

Lorsqu'on se réfère à l'uranium naturel industriel, le terme de naturel ne concerne que le rapport en masse des uraniums 238 et 235 : 0,7% d'uranium 235 dans l'uranium industriel naturel alors que la proportion n'est plus que de 0,2 à 0,3% dans l'uranium appauvri, le reste étant essentiellement constitué d'uranium 238. Pour fixer les ordres de grandeur, l'activité de l'uranium 238 dans un sol est typiquement de l'ordre de 40 Bq/kg alors que dans l'uranium appauvri, elle est de 12 millions de Bq/kg (environ 6 ordres de grandeur de différence, on mesure l'importance du tour de passe-passe réalisé par l'IRSN !).

Nous doutons qu'il s'agisse d'une simple erreur. Si nous sommes sceptiques c'est que ce dossier a tout un passif qui rend l'hypothèse peu probable : en 2000-2001, en effet, alors que nous dénoncions l'utilisation de munitions à l'uranium appauvri et la contamination irréversible des zones bombardées par ce type d'arme radioactive, la désinformation a atteint son paroxysme : jusqu'au ministre de la Défense d'alors, Monsieur Alain RICHARD, qui a déclaré que l'uranium appauvri n'était pas radioactif ! A l'époque, ni la DSIN (aujourd'hui DGSNR ou pseudo ASN) ni l'IPSN-OPRI (aujourd'hui IRSN) ne sont intervenus pour contrecarrer l'opération de désinformation orchestrée au plus haut niveau et relayée par de nombreux media.

Il est consternant de constater que ces pratiques se poursuivent et nous jugeons indispensable de vous alerter sur leurs implications. En effet, elles ne sont pas sans effet sur la survenue des infractions. Nous avons ainsi dû expliquer ce qu'était l'uranium appauvri à nombre de nos interlocuteurs (pourtant professionnellement concernés et donc a priori mieux informés que le citoyen lambda). Certains s'étonnaient de sa radioactivité, d'autres, moins déphasés, croyaient toutefois qu'il était beaucoup moins actif que le minerai d'uranium.

La CRIIRAD invite donc les ministères de tutelle de l'IRSN et de la DGSNR à contrôler l'exactitude des informations diffusées par ces organismes. La diffusion sur internet de la note IRSN relative à la fonderie BUDIN ne peut qu'amener les lecteurs à considérer l'uranium appauvri comme une matière inoffensive et, le cas échéant, à passer outre les prescriptions réglementaires, les considérant dès lors comme superfétatoires. La responsabilité pénale de l'IRSN pourrait ainsi être engagée, les auteurs des infractions assimilant les déclarations des experts officiels à une levée des interdictions, voire à une incitation au délit valant circonstance atténuante.

Il importe en particulier que le ministère du Travail assure dans les meilleurs délais la diffusion d'informations fiables auprès des industriels concernés. Il y a en effet tout un arriéré de désinformation à annuler. L'uranium appauvri n'est certes pas l'élément radioactif le plus dangereux qui existe (les risques liés à l'exposition externe sont assez faciles à gérer) mais il n'est pas pour autant inoffensif, en particulier en cas d'incorporation : si, en effet, son activité spécifique est faible, sa radiotoxicité est par contre élevée (sans parler de sa toxicité chimique).

4. Revoir le contrôle des organismes dits " agréés "

La société MERI, qui est intervenue pour effectuer les premiers contrôles radiologiques à la demande de METAL-BLANC et à la charge de BUDIN, a rendu des conclusions d'absence de risque pour le chauffeur sans avoir effectué le travail minimum d'évaluation de son exposition : pas même un contact téléphonique pour s'assurer qu'il portait des gants lorsqu'il a manipulé les bacs contenant la boue radioactive, c'est-à-dire des substances radioactives non confinées. La prévention des risques associés à la manipulation de substances radioactives non confinées constitue pourtant le " B. A. BA " de la radioprotection. Aucun conseil de décontamination, ni aucune information n'a été donnée en temps utile à Monsieur BRUSA. Des extraits du rapport MERI ont même été utilisés par des tiers pour le dissuader de se renseigner sur les risques qu'il avait éventuellement encourus.

Par ailleurs, il est important de préciser que la société MERI indique en annexe à ses rapports qu'elle dispose d'agréments ministériels pour procéder aux contrôles de la protection des travailleurs et pour dispenser la formation à la radioprotection des travailleurs qui doivent assurer la fonction de " personne compétente ".

La CRIIRAD demande une réorganisation de la délivrance des agréments et des garanties que demandent les pouvoirs publics aux organismes pétitionnaires en matière de compréhension et de respect des principes fondamentaux de radioprotection et des prescriptions réglementaires afférentes. Il importe par ailleurs d'examiner la situation du chauffeur et de lui apporter toute l'assistance nécessaire afin que l'exposition à la radioactivité qu'il a subie ne soit pas aggravée par des pénalités professionnelles et/ou financières ­ ce qui serait un comble.
Ref. 2003-0211 ­ CRIIRAD ­ Lo/UA ­Min ­ ANNEXE - page 5/5

5. Réexaminer les autorisations de fabrication d'objets incorporant des matières radioactives

Si on met à part les usages militaires, on peut distinguer les utilisations d'uranium appauvri dans les filières professionnelles et celles qui concernent, par opposition, les usages domestiques (domaine public). A ce jour, et la CRIIRAD s'est longuement battue pour obtenir cette garantie, l'interdiction de tout ajout de substances radioactives dans les biens de consommation est la règle (cf. dispositions du décret 2002-460). Tel n'est pas le cas dans le milieu professionnel. Ainsi, on recourt très largement à l'uranium appauvri pour la fabrication des protections biologiques destinées à la détention et au transport des sources radioactives irradiantes.

Concernant ce dernier chapitre, la CRIIRAD demande :

1/ concernant l'interdiction d'ajout aux biens de consommation et aux matériaux de construction, une
vérification du respect de cette prescription.

Nous souhaitons tout particulièrement une réponse précise sur le dossier des
émaux, dossier sur lequel nous avions longuement travaillé, à propos duquel nous avions saisi le ministère de l'Environnement et sur lequel nous avions travaillé avec le Bureau de Radioprotection de la DGS (organisme malheureusement supprimé depuis au profit du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie). Il importe de vérifier si l'interdiction est effective, c'est-à-dire si l'UA n'est plus utilisé ­ dans la région de Limoges par exemple ­ pour la fabrication de pigments de couleur jaune/orange servant, entre autre, à orner des objets décoratifs. Les ICPE concernées se sont-elles mises en conformité avec la réglementation ? Les DRIRE ont-t-elles effectué les contrôles nécessaires ?

2/ Concernant les utilisations industrielles de l'UA, utilisations en cause dans le présent dossier, une gestion plus rigoureuse des autorisations, privilégiant la protection sanitaire et la prévention des contaminations.

Le présent dossier
démontre (comme d'autres auparavant) 1/ qu'il est impossible de prévenir tous les dysfonctionnements : ils surviennent nécessairement, qu'ils soient liés à de simples erreurs de gestions (violation involontaire des règles) ou comme ici à des infractions délibérées ; 2/ que les conséquences de ces dysfonctionnements sont difficiles à gérer, voire aboutissent à des impasses : les deux remorques de déchets radioactifs sont immobilisées depuis des mois sur le parking d'un établissement non habilité à l'entreposage de déchets radioactifs et aucune solution n'est encore en vue. Si tant est que les déchets puissent être triés à un coût acceptable, il est en effet peu probable que les responsables de METAL-BLANC acceptent de traiter la partie qui sera déclarée officiellement non radioactive mais qui sera malgré tout faiblement contaminée. L'installation est à l'origine d'une pollution chimique et de problèmes de saturnisme chez les riverains et tout risque supplémentaire serait difficilement accepté. Par ailleurs, la société prendrait également un risque vis-à-vis de l'écoulement ultérieur de sa production. De la même façon, la décontamination de la fonderie BUDIN ne sera pas totale, la DGSNR ayant fixé un objectif de 1 000 Bq/kg pour l'uranium 238 fixé (alors qu'en région parisienne le sol n'en contient généralement que 20 à 30 Bq/kg et que cet élément radioactif est normalement absent des matières comme le plomb. Conclusion : dès lors que ces matières radioactives sont dispersées tout retour à la normale devient impossible.

Sur la base de ces constats, il serait irresponsable de délivrer des autorisations pour la fabrication d'équipements incluant des matières radioactives sans avoir démontré au préalable qu'ils répondent à un besoin incontestable et qu'aucune solution alternative moins dangereuse n'existe.
Ceci n'est pas une demande extrémiste de la CRIIRAD, mais un principe fondamental de radioprotection reconnu au niveau international.

En France le respect de ce principe de base est loin d'être acquis. Ainsi, dernier exemple en date l'Administration a décidé que
le dépistage du plomb dans les peintures ne pourrait plus se faire avec des appareils électriques à rayons X mais uniquement avec des équipement utilisant des sources de cobalt. L'examen préliminaire que nous avons fait de ce dossier ne nous a pas convaincus de la justification de cette décision.

La CRIIRAD demande en conséquence une révision de l'ensemble des autorisations ­ celles relatives à l'uranium industriel mais aussi aux autres substances radioactives - et la suppression de toutes celles qui ne répondent pas aux critères de base de la radioprotection.

 

Ref. 2003-0221 ­ CRIIRAD ­ Lo/UA ­Min ­ ANNEXE - page 1/5
Annexe aux courriers adressés aux Ministres
du Travail (DRT), de la Santé, de l'Ecologie et de l'Industrie (haut fonctionnaire de Défense)
Version modifiée du 21/02/04.