Le Devoir (Canada), 31/10/2008: 

"Le nucléaire n'est pas rentable", dit le privé

Le secteur privé ne se lance pas dans le nucléaire parce que la rentabilité de cette filière est chancelante, pour ne pas dire déficiente sans injection de fonds publics substantiels, directs ou indirects, au moyen de la fiscalité. C'est ce qu'affirme une récente analyse du Earth Policy Institute, présidé par Lester R. Brown, qui s'intitule The Flawed Economics of Nuclear Power.

«Dans les dernières années, explique Lester Brown, l'industrie nucléaire a misé sur les préoccupations du public en matière de changements climatiques pour défendre le retour de la filière. Même si les ténors de cette industrie ont convaincu quelques leaders politiques qu'il s'agissait d'une bonne idée, il y a peu d'indices qui démontrent que des capitaux privés sont investis massivement dans des centrales nucléaires pour vendre de l'électricité sur un marché libre.»

Lester Brown explique ce peu d'enthousiasme des investisseurs par une analyse d'un autre auteur célèbre, Amory B. Lovins, qui établit le prix de l'électricité produite à partir d'une centrale nucléaire à 14 cents (de dollar US) du kilowattheure, comparativement à 7 cents pour la même énergie produite avec une éolienne. Cette comparaison englobe le coût du carburant nucléaire, du capital, du fonctionnement, de l'entretien, du transport et de la distribution de cette électricité. Mais elle ne comprend pas le coût additionnel mais éventuellement incontournable de l'élimination sécuritaire des déchets radio-actifs, des assurances en responsabilité en cas d'accident nucléaire et de la démolition des centrales, dont une bonne partie des matériaux seront eux-mêmes radio-actifs pendant des générations.

Les États-Unis produisent 101 000 MW avec les 104 réacteurs de leur filière nucléaire. Ils prévoyaient investir en 2001 plus de 58 milliards pour construire le dépotoir nucléaire de Yucca Mountain, en Utah, un coût qui a grimpé depuis à 96 milliards pour un projet disponible seulement en 2017. Jusqu'ici, 119 réacteurs ont cessé leurs activités mais sont entreposés temporairement dans des endroits dont la sécurité est discutable. En cas d'accident, chaque opérateur de centrale nucléaire devra fournir 95,8 millions au pool de cette industrie, dont la couverture totale d'assurance atteint 10 milliards. Tout excédent sera payé par les gouvernements et donc les contribuables.

Présentement, 36 nouveaux réacteurs sont en construction dans le monde, dont 31 en Europe et en Asie. Plusieurs autres, comme ceux de la centrale de Gentilly au Québec, vont être restaurés pour prolonger leur vie utile, une décision gouvernementale soustraite à une évaluation environnementale indépendante et à tout débat parlementaire.

 

A lire:

- Blagues canadiennes, une centrale nucléaire pour puiser du pétrole


A voir:

"Uranium" (Canada - 1990)
Un film du cinéaste indépendant Magnus Isacsson. Prix Golden Sheaf du meilleur documentaire, Yorkton Short Film and Video Festival (Saskatchewan, 1991).
48 mn en RealVideo 33kb
Le Canada est le plus important pays producteur et exportateur d'uranium au monde. Or les résidus des mines d'où il est extrait sont à l'air libre, et si l'exploitation se poursuit au rythme de 1988, l'industrie nucléaire produira, avant dix ans, 250 millions de tonnes de résidus radioactifs qui continueront à contaminer les rivières et à empoisonner la chaîne alimentaire pour des centaines de milliers d'années...


Le film est aussi disponible à environs 50kb sur Visions Autochtones