Le Monde, 12/11/2008: 

L'Autriche convertit sa centrale nucléaire fantôme... à l'énergie solaire

Condamné durant trente ans à l'inactivité, le site de la centrale nucléaire autrichienne de Zwentendorf, située à une cinquantaine de kilomètres à l'ouest de Vienne, va bientôt être tiré de sa léthargie pour produire... de l'énergie solaire.

Le 5 novembre 1978, la population autrichienne décidait par référendum de réduire son réacteur flambant neuf - jamais entré en service - à l'inactivité. D'une capacité de 730 mégawatts (MW), la centrale à eau bouillante construite par le groupe allemand Siemens devait faire entrer l'Autriche dans l'ère nucléaire. Les résultats du référendum lui en fermèrent la porte.

Depuis, en 1999, les Autrichiens ont inscrit le renoncement à l'énergie nucléaire dans leur Constitution, et aucun parti ne s'aviserait de remettre en cause ce qui tient désormais lieu de doctrine d'Etat.

Dans quelques mois, la façade de béton de la centrale, son toit, tout comme une partie des 14 hectares de terrain adjacent, seront hérissés de panneaux solaires. EVN, producteur et distributeur de la quasi-totalité de l'électricité dans la région de Basse-Autriche, et acteur dominant sur les marchés bulgare et macédonien, a racheté le site en 2005. La concession d'exploitation pour produire de l'énergie reste valide. Et le réseau électrique passe à quelques centaines de mètres.

UN DÉCOR DE SCIENCE-FICTION

La contribution de Zwentendorf au développement des énergies renouvelables restera d'abord modeste. Avec un maximum de 3 MW, la centrale assurera le ravitaillement en électricité d'un millier de foyers. A un horizon plus lointain, EVN envisage d'implanter sur le site une centrale à biomasse. Son emplacement - sur les bords du Danube - permettrait l'acheminement de résidus de bois. Encore faut-il trouver des fournisseurs capables d'en livrer des quantités suffisantes et à long terme.

A l'intérieur de la centrale endormie, on plonge dans l'univers de l'atome des années 1970. Derrière les murs de béton, épais de 1,2 mètre, un dédale de couloirs et de sas conduit à la salle des turbines, puis au coeur du site. Le réacteur, enchâssé dans une coque de béton et d'acier, à 30 m au-dessus du sol, s'offre sans manières à l'inspection.

Dans ce décor de science-fiction, il semble que l'heure se soit arrêtée. La salle de contrôle affiche clairement un design d'époque. Le téléphone, jadis une ligne directe reliée à la chancellerie, est toujours posé sur le tableau de bord.

Les pouvoirs publics avaient, dans un premier temps, conservé l'espoir que le vent tourne, et que les 5,2 milliards de schillings (380 millions d'euros), coût de la construction de la centrale, n'aient pas été dépensés en pure perte. L'accident de Tchernobyl, en 1986, coupa court aux spéculations sur un nouveau référendum.

Depuis 2005, la centrale contribue à l'entretien de ses cinq soeurs germaniques, construites sur le même modèle qu'elle. Turbines, tuyaux et autres pièces détachées sont vendus pour remplacer les parties usagées des centrales allemandes encore en service. Zwentendorf fait également office d'école pour leurs ingénieurs, qui viennent s'y entraîner au montage et démontage à échelle réelle, sans risque d'irradiation. [...]