RTBF, 22/11/2005:

La fin de la Belgonucléaire

Le site de Belgonucléaire à Dessel va disparaître l'an prochain. 261 emplois vont donc passer à la trappe. Cette fermeture, marque la fin d'une technologie : celle de la fabrication du Mox, un combustible destiné aux centrales nucléaires.
Depuis 1986, le site de Dessel fabriquait du Mox, mox pour mixed oxydes. C'est à dire un mélange d'uranium et de plutonium retraité. Un marché prometteur à l'époque. Le site de Dessel fournissait à son époque dorée des centrales en France, Suisse, Belgique ou encore en Allemagne et au Japon. Mais le vent a tourné, certains pays clients investissent de moins en moins dans le nucléaire, d'autres fabriquent eux-même le Mox.
Il restait alors un espoir pour Dessel : celui de recycler le plutonium des missiles nucléaires américains. Mais la décision s'est heurtée aux problèmes de distances : il fallait construire des sites sur place. Ce qu'a fait le français Areva , détenteur du brevet. Areva qui reste d'ailleurs aujourd'hui, le seul client dans le carnet de commandes de Belgonucléaire.
La fermeture définitive de l'usine interviendra en mai 2006, elle s'accompagnera du licenciement collectif de la quasi totalité des 261 membres du personnel. La plupart du temps, des techniciens hautement qualifiés qu'il sera difficile de recaser sur un marché de plus en plus réduit.
Pour rappel, l'Etat belge et Suez sont les actionnaires de la société Belgonucléaire.

 

 

La Libre Belgique, le 22/11/2005:

La fin du plutonium recyclé à la belge

Belgonucléaire annonce la fermeture de son site de Dessel en 2006. En cause: une perte inexorable de commandes. L'évolution fait que les pays qui veulent recourir au Mox cherchent toujours plus à le fabriquer eux-mêmes.

Belgonucléaire - dont le capital est partagé entre l'Etat belge et Tractebel - a annoncé lundi qu'elle allait fermer son site de Dessel en 2006, ce qui risque d'entraîner le licenciement collectif de la quasi totalité des 261 membres du personnel. L'annonce ne constitue pas vraiment une surprise. Le site de Dessel produit le combustible Mox pour les centrales nucléaires, or, on savait cette filière en voie d'extinction en Belgique.

Jusque-là, Belgonucléaire fabriquait encore du Mox pour ses clients européens à partir, principalement, du plutonium civil retraité à La Hague et son carnet de commandes était rempli jusqu'en 2005.

Commandes

Mais la fermeture était inéluctable, justifiée par « l'abandon progressif dans plusieurs pays européens du retraitement des combustibles nucléaires et le fait que plusieurs pays fabriquent eux-mêmes leur Mox». Résultat: un carnet de commandes en chute libre. «Le dernier client de l'usine, la société Areva, peut encore, jusqu'à la fin de l'année, passer une commande pour 5 mois maximum de travail mais il ne s'agit là que d'une solution provisoire qui, fondamentalement, ne change rien aux perspectives négatives pour l'usine», précise-t-on chez Belgonucléaire.

Pourtant, jusqu'il y a peu, la Belgique faisait partie du club très fermé des pays - avec le Royaume Uni et la France - disposant des installations et des connaissances techniques pour retraiter le plutonium en combustible pour centrales nucléaires civiles (Mox).

En Belgique, les premiers essais industriels d'emploi de Mox dans un réacteur datent de 1963 dans le réacteur BR 3 de Mol, puis de 1974 dans Chooz A (aujourd'hui arrêté), à la frontière franco-belge. Dans le même temps, Belgonucléaire et Cogema ont commencé à produire conjointement du Mox dans deux petites usines, une à Dessel en Belgique (mise en service en 1973), et l'autre à Cadarache en France (mise en service en 1970). Historiquement, Belgonucléaire était devenu le premier producteur mondial de Mox. Près de 500 tonnes de Mox sont sorties de Dessel pour être utilisées par la suite dans les deux centrales belges et dans une vingtaine d'autres en Europe.

Mais, la perte d'un gros contrat américain va en quelque sorte préfigurer la fin d'une époque. En juillet 2002, Washington avait proposé à Bruxelles - donc à Belgonucléaire - de retraiter le plutonium militaire américain. L'appel d'offres ne sera toutefois jamais honoré. Le gouvernement arc-en-ciel de l'époque le déclinera en raison de l'opposition totale des verts à ce que l'on fabrique un Mox «destiné à alimenter la filière nucléaire». Le Premier ministre, Guy Verhofstadt, n'aura d'autre choix que de s'incliner, sous peine de provoquer une crise politique. Finalement, le plutonium américain sera dans un premier temps traité au centre de la Cogema à Cadarache (Bouches du Rhône) et assemblé à Melox (Marcoule).

Mais, au-delà du fiasco américain, cette fin de non-recevoir va aussi coïncider avec une autre tendance: la perte progressive de vitesse de la filière Mox dans toute l'Europe. En effet, soucieux de maîtriser tout le processus, les Etats-Unis et la Russie disposent toujours plus de leurs propres usines d'assemblage.

Bernard Demoulin

 

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