Association Avigolfe (Association des Victimes civiles et militaires de la guerre du Golfe), 24/02/2005 :

Lettre ouverte à Mme le Ministre de la Défense

Lettre ouverte à Mme le Ministre de la Défense
A l'occasion du 14e anniversaire de la guerre du Golfe.

Madame le Ministre,

Le 24 février 1991, les troupes françaises entraient en Irak dans le cadre de l'offensive terrestre de l'opération « Tempête du Désert ». Quatorze ans après la guerre du Golfe, le gouvernement français n'a toujours pas reconnu la réalité chimique et radiologique de ces opérations et ses conséquences sur la santé des participants qu'ils soient militaires ou civils (personnels THOMSON notamment détachés auprès de l'armée française ou des armées alliées).

Quatorze ans après cette guerre, les vétérans malades continuent de se battre avec notre association AVIGOLFE, pour la reconnaissance de leur état de santé et voient rejetées systématiquement leurs demandes de pension militaires d'invalidité.
Malgré toutes les preuves apportées par l'association AVIGOLFE et les enquêtes menées par des journalistes, votre ministère a décidé de clore le dossier le 13 juillet 2004. Ce jour là, les Professeurs Roger SALAMON et Françoise CONSO, chargés d'une étude « exhaustive », intitulée « Enquête française sur la guerre du Golfe et ses conséquences sur la santé » et financée par votre ministère, présentaient leur rapport devant la presse, entourés par des membres de l'état-major et du Service de Santé des Armées, dans une salle du ministère.
Ils concluaient sans conclure et réduisaient cette enquête à état des lieux vous permettant de continuer de nier ce qu'aujourd'hui même le secrétariat d'État aux Anciens combattants américain reconnaît.
En effet, vous êtes informée que, dans un rapport daté du 12 novembre 2004, le nouveau Comité de recherche mis en place par le Congrès américain (1) en 2002 a « constaté que les maladies de la guerre du Golfe constituent un problème sérieux qui affecte une proportion significative des vétérans qui ont servi dans cette guerre, que cet état ne peut être expliqué par le stress ou les facteurs psychologiques et que le volume croissant des informations indique qu'une dimension importante de cet état semble de nature neurologique. »

Ce rapport, tout à fait officiel, insiste également, comme vous devez le savoir, sur le fait que « de nombreux vétérans, y compris français, ont été exposés à une variété de substances potentiellement toxiques pendant le déploiement. Parmi eux, plusieurs agents neurotoxiques ou chimiques : les pilules prises pour protéger les vétérans des effets mortels des agents neurotoxiques (pyridostigmine) et de multiples pesticides qui appartiennent à une classe unique de composés qui affectent le système nerveux ». Plus encore, contrairement à ce que votre ministère a toujours affirmé, prétendant qu'une faible exposition à ces agents toxiques, y compris les gaz de combat, ne pouvaient avoir des conséquences sur la santé, le rapport américain, s'appuyant sur de nombreuses études, affirme que « l'exposition à des agents nerveux à trop faible dose pour produire des symptômes aigus, peuvent produire des effets négatifs chroniques sur les systèmes nerveux et immunitaires. Des recherches supplémentaires ont montré que des combinaisons de plusieurs types de neurotoxines présentes dans le Golfe peuvent agir en synergies et produire une toxicité plus importante que les effets caractéristiques de chaque composant pris isolément ».

Madame le Ministre, ce ne sont là que quelques exemples tirés du rapport américain qui montrent à quel point votre ministère et le gouvernement français ont tort de continuer de se cacher derrière une mission parlementaire partiale et manipulée et une enquête épidémiologique contestable.
C'est ce que nous avons expliqué dans un courrier que nous vous avons adressé dès septembre 2004. Le 20 décembre 2004, votre chef de cabinet civil, Xavier Fürst répondait en votre nom. Sans aucune surprise, vous utilisez les mêmes arguments fallacieux et méthodes de désinformation des faits. A titre d'exemple :
-Vous évoquez la mission d'information parlementaire et son rapport supposé « indépendant ». Votre ministère « a proposé la mise en place de cette mission ».
Vous ne dites pas que neuf de ses dix membres étaient également des députés siégeant à la Commission Défense de l'Assemblée nationale présidée alors par Paul Quilès ancien ministre de la Défense concerné par le programme d'étude et de production
des obus en uranium appauvri.

Madame le Ministre, vous affirmez avoir confié l'étude sur les conséquences de la guerre du Golfe sur la santé, à une « équipe totalement indépendante du ministère de la défense ». De quelle indépendance parlez-vous ?
En réalité votre ministère a commandé et financé cette étude à l'unité INSERM 593 dirigée par le Pr. Salamon qui a régulièrement présenté des rapports d'étapes à votre comité de suivi. Le Pr. Conso, chargée du protocole d'examens médicaux complémentaires à l'enquête épidémiologique, financés également par votre ministère (à hauteur de 180¤ par examen !) quant à elle , est liée à votre ministère. Elle a été, notamment et en autres, « caution scientifique » des 17ème journées de la Société d'Hygiène et de médecine du travail dans les Armées et Industries d'Armement, les 9 et 10 octobre 2003 qui se sont déroulées sur la base aérienne de Reims. Était également présents à ce congrès « deux des partenaires laboratoires » du ministère de la Défense.

En outre, un certain nombre de responsable de services ou de consultations de maladies professionnelles désignés par le Pr. Conso pour effectuer en région les examens médicaux des vétérans, sont également liés à la Société d'Hygiène et de Médecine du travail dans les Armées et Industries d'Armement, dont le siège est situé au service des pensions des Armées de La Rochelle.
C'est le cas du Pr. Brochard, à Bordeaux, spécialiste des maladies professionnelles qui, il y a dix ans défendait l'utilisation de l'amiante et dirige aujourd'hui le suivi médical des personnes qu'il a contribué à faire exposer (cf. Monde diplomatique avril 2002). Sans compter qu'il a été nommé expert par la Cour Régionale des Pensions militaires de Bordeaux dans le dossier du Président d'AVIGOLFE.
Enfin, vous évoquez dans votre courrier les examens lors de « visites médicales gratuites » élaborés par le services de pathologies professionnelles ». Or comme vous le savez, il est noté dans le « Dossier médical standardisé du suivi des vétérans », que celui-ci « a été élaboré (...) « en collaboration avec l'unité INSERM et les médecins militaires ».

Madame le Ministre, votre ministère a également transmis des informations erronées qui ont servi de base à l'enquête du Pr. Salamon qui les a acceptées. Par exemple, incapable de retrouver la liste complète de la Division Daguet, vos services ont transmis une liste comprenant un grand nombre de militaires qui séjournaient à l'époque dans un rayon allant du Pakistan aux Seychelles en passant par l'Égypte, Djibouti etc Après vérification et contrairement à ce que veut faire croire votre chef de cabinet, ces personnes, qui ne sont pour la plupart, jamais retrouvées sur le théâtre des opérations, sont bien prises en compte par l'enquête. Par ailleurs, sur les 5666 sujets retenus, 71% sont toujours des militaires en activité dans l'armée française et donc en bonne santé.
Enfin, alors qu'il s'agissait d'une « enquête exhaustive », votre ministère à refusé qu'elle prenne en compte la recherche sur les causes des décès de
vétérans, confiée à l'Institut de veille sanitaire qui n'a toujours pas donné ses conclusions.

Madame le Ministre, tout comme nous contestons l'étude présentée par l'INSERM, nous contestons les examens médicaux proposé aux vétérans. Aucune véritable recherche biologique, toxicologique ou radiologique n'a été effectuée. Concernant les recherches d'uranium appauvri sur 154 personnes, elles ont été réalisées par le Service de protection des Armées de Clamart.

Comme vous le savez, les obus flèches utilisés pendant la guerre du Golfe contenait non seulement de l'uranium appauvri (U238), mais plus grave, de l'uranium 236, radio-nucléide d'origine artificielle issu de l'irradiation de combustible nucléaire, autrement dit, un déchet hautement radioactif. La mission parlementaire l'a aussi confirmé pour les munitions françaises. Or, sous le prétexte fallacieux que les deux types d'uranium (U235 etU236), comme vous l'écrivez et comme l'a déclaré le Pr. Conso chargée des examens complémentaires, sont identiques, ou du moins très « proches », vous avez refusé toute recherche de traces d'uranium 236 dont les effets sur la santé sont connus et reconnus depuis de nombreuses années.
Autre prétexte fallacieux pour ne pas prendre en compte sérieusement la recherche d'U236 chez les vétérans, votre ministère, comme l'écrit votre chef de cabinet, estime que « l'étude des conséquences sanitaires de l'exposition aux munitions à uranium appauvri ne figurait pas parmi les objectifs fixés à l'enquête(...) puisque la majorité des sujets interrogés n'avait pas de connaissances de telles munitions lors de leur présences dans le Golfe ». Est-ce bien sérieux ?

Madame le Ministre, les propos tenus, de façon surprenante mais encourageante, par le Pr. Roger Salamon, responsable de l'enquête française sur la guerre du Golfe et ses conséquences sur la santé, dans une interview accordée à France-Bleue Gironde diffusée les 20 et 23 novembre 2004, semblent finalement nous donner raison. « Il faut reconnaître et pensionner les vétérans de la guerre du Golfe », a-t-il déclaré.
Que répondez-vous à cette déclaration, qui remet en question l'attitude du ministère de la défense que vous dirigez ?
Que répondez-vous à notre demande de prendre en considération les conclusions du rapport du Comité de recherche américain sur les maladies de la guerre du Golfe, de vous prononcer clairement et rapidement sur la reconnaissance des maladies des vétérans français et de légiférer dans ce sens ?

Nous avons à deux reprises posé ces questions également à Monsieur le Premier Ministre, chef du gouvernement, Jean-Pierre Raffarin, qui n'a pas jugé pour l'instant utile de nous répondre. Cela montre avec quel mépris sont considérés les vétérans de la guerre du Golfe en France qui vivent des situations douloureuses tout comme leur famille et leurs jeunes veuves.

Madame le Ministre, AVIGOLFE estime que, quatorze ans après l'opération « Tempête du Désert », le temps de la « langue de bois » est terminé. Il s'agit maintenant de prendre des mesures concrètes.

Pour AVIGOLFE
Le Président
HervéDESPLAT

(1) Scientific progress in understanding Gulf War veterans'illnesses : Report and Recommandation ­ Research Advisory Committee on Gulf War Veterans'illnesses.

"90 minutes"
Une émission du magazine 90 minutes sur Canal + était consacrée aux munitions à l'uranium appauvri largement utilisées sur le champ de bataille durant la guerre du Golfe.
90 minutes en RealVidéo 21 kb
"Armes nouvelles, population en danger"
Présenté par Elise Lucet pour "Pièces à conviction" un reportage de 80 mn en RealVideo 33 kb.

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Des vétérans et des familles dans la manifestation de Paris contre la guerre en Irak.