Est Républicain 28/01/2006 :

Les antinucléaires perdent un soutien
Caution scientifique des collectifs contre l'enfouissement des déchets radioactifs, André Mourot est décédé jeudi matin.

Un des premiers scientifiques à dénoncer un éventuel stockage dans le sous-sol de Bure.

La lutte va continuer, mais ce sera sans lui. Les collectifs opposés au laboratoire de l'Andra (agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) à Bure pleurent aujourd'hui la disparition d'un des leurs, d'une caution à la fois morale et scientifique à leur combat, celle d'André Mourot. Ce Haut-Marnais de 74 ans est décédé dans son lit, jeudi matin, d'un arrêt cardiaque.

Géophysicien à la retraite - il a oeuvré sur différents continents et jusqu'aux îles Kerguelen -, il n'a jamais cesser de dénoncer un éventuel stockage de colis nucléaires dans le sous-sol meusien. Il était un des premiers scientifiques à le faire. Ses critiques s'appuyaient sur ses études successivement menées. Celle réalisée en 2002, en partenariat avec Jacques Muller, avait mis à jour des failles dans les profondeurs de Bure, battant ainsi en brèche l'existence d'un véritable coffre-fort d'argile. Impossible selon lui de garantir l'étanchéité d'un éventuel enfouissement. Il craignait un danger environnemental majeur : la remontée de radon constatée constituait la preuve que les nappes aquifères finiraient par être polluées.

Droiture

L'Andra, par la voix de Jack-Pierre Piguet, le directeur du labo, avait répliqué qu'il n'y avait aucune connaissance nouvelle apportée concernant les fractures : la différence reposait surtout sur l'interprétation. André Mourot doutait également beaucoup de l'homogénéité de la roche.

Après reprise de l'inventaire des ressources géothermiques du BRGM ( bureau de recherches géologiques et minières), il avait estimé que la zone à cheval sur la Meuse et la Haute-Marne était déconsidérée par l'existence d'un réel potentiel. Or aucun dépôt n'est possible dans des terrains recélant des richesses particulières. "Ressources non exploitables", lui avait-on répondu. Le septuagénaire n'avait pas manqué, non plus, de poser le problème de la sismicité, reconnue.

Ses arguments rejetés, André Mourot ne les a cependant jamais abandonnés. Il les reprenait encore en juin dernier, lors des portes ouvertes organisées par l'Andra, après avoir réalisé une visite. Les antinucléaires de Bure-Stop continueront de les défendre. "De par sa droiture, il ne pouvait imaginer d'autre issue à notre engagement commun que la victoire : la victoire du bon sens et de l'éthique", réagit un porte-parole.