France2, 9/12/2009: 

Uranium de Mounana: Un taux de radiations alarmant

L'ancien site gabonais d'uranium de Mounana présente un niveau de radiation "nettement supérieur à la normale"

Dans un rapport, la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (Criirad), dénonce mercredi "certaines valeurs au contact du sol 2 à 50 fois supérieures à la normale". Le gisement d'uranium a été exploité de 1958 à 1999 par la Compagnie des mines d'uranium de Franceville, filiale du groupe nucléaire français Areva. L'association française, dans ce rapport reçu mercredi par l'AFP à Libreville, s'appuie sur des mesures effectuées en mai 2009 sur le site.

Selon la Criirad, la Compagnie des mines d'uranium de Franceville (Comuf) "a produit 7,5 millions de tonnes de boues radioactives, dont 2 millions de tonnes ont été déversées" dans une rivière. "Une partie de ces déchets radioactifs est à l'air libre dans la forêt voisine", souligne l'association privée, basée à Valence, au sud-est de la France.

"Les mesures de 2009 confirment en outre que les logements des cadres et des ouvriers de la Comuf ont été construits avec des matériaux radioactifs. Les populations sont ainsi soumises à leur insu à des doses de radiation totalement injustifiées", ajoute-t-elle.

Depuis 2007, une polémique sur la radioactivité de Mounana oppose des ONG et la population de Mounana à la Comuf et à Areva. En juin, Areva a annoncé la création, en collaboration avec les ONG françaises Sherpa et Médecins du Monde, d'un observatoire de la santé autour des sites miniers où il exploite l'uranium, en particulier au Niger et au Gabon.

 


Libération, 10/8/2007: 

Neuf ans après, une ville du Gabon encore minée par le départ d'Areva

Autour d'une ancienne exploitation d'uranium, la mauvaise gestion des déchets fait des ravages.

Le voici affublé d'une tâche inhabituelle pour un mineur : détruire et reconstruire des maisons. C'est la première fois que François Sublime passe tant de temps à travailler à l'air libre. La voix rauque des grands fumeurs, l'allure dégingandée, il débarque en pays inconnu, après trente ans en mine souterraine pour le groupe nucléaire français Areva, numéro un mondial du secteur. Sa nouvelle terre s'appelle Mounana, dans le sud-est du Gabon. Ici, la mine d'uranium exploitée pendant quarante ans par Areva, et fermée en 1999, reste au coeur des préoccupations. Dans cette bourgade de 5 000 âmes, une centaine de maisons sont «marquées» radiologiquement. Leurs occupants sont exposés à un seuil de radioactivité légèrement supérieur aux normes internationales autorisées. En 2000, celles-ci ont été durcies, passant de cinq à un millisievert - unité de mesure des effets du gaz radon sur l'organisme - par an. Et l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a recommandé d'étendre aux habitations des contrôles qui jusque-là se limitaient à la chaîne alimentaire et à l'environnement.

Litanie. D'après les mesures relevées à Mounana, dans les cités construites par Areva pour ses employés, près de cent logements dépassent le seuil toléré et doivent être entièrement rasés et rebâtis. Tous les propriétaires n'ont pas encore été prévenus pour éviter des scènes de panique. Mais la nouvelle s'est propagée à travers la ville. «Radioactivité», le mot s'ébruite et se décline sur tous les modes. «On ne veut pas avoir de maladies causées par l'uranium, mais on ne nous a rien expliqué ; je sais que c'est mauvais pour les femmes enceintes et pour les bébés», s'alarme une jeune habitante sur le point d'être relogée. La litanie se poursuit devant une épicerie où s'échangent de maigres tomates et quelques bâtons de manioc. «Je souffre du coeur, il y a beaucoup de cancers du poumon et des yeux à cause de la radioactivité», croit savoir la fille d'un mineur, «c'est à cause de la Comuf [filiale gabonaise d'Areva ] que nous sommes malades, c'est parce que la ville est polluée».

Les problèmes de santé et les questions environnementales se mêlent inextricablement au malaise social qui mine Mounana. Car la ville s'est éteinte après la fermeture de la mine, qui a produit plus de 25 000 tonnes d'uranium. Tous les sous-traitants ont aussi quitté les lieux et la majorité de la population est sans emploi. Les enfants des mineurs semblent les plus aigris, qui vouent l'entreprise aux gémonies, tout en appelant de leurs vux la reprise de l'activité minière. «Avant, tout était cadeau ici, l'eau, l'électricité et les soins médicaux, se lamente Hydrim Boukamba, entouré d'une demi-douzaine de jeunes gens, tous au chômage. Areva aurait au moins pu nous laisser une petite activité avant de partir.»

La bourgade, entourée de collines et nichée dans le creux d'une vallée verdoyante, a pourtant retrouvé l'apparence paisible des cités lacustres. L'essentiel des travaux de réaménagements du site est achevé. Plus un morceau de tôle, plus un bout de ferraille. Toutes les infrastructures ont été démontées. La mine à ciel ouvert d'Oklo gît à plusieurs dizaines de mètres sous l'eau. Des tonnes de déchets radioactifs ont été enfouies sous une couche de latérite et de terre végétale où l'herbe a repris ses droits. Et en l'espace de quelques années, le taux de radioactivité est revenu «à la normale», d'après le Centre national de prévention et de protection contre les rayonnements ionisants (CNPPRI), qui contrôle régulièrement la qualité de l'air, de l'eau, puisée en aval des rejets, et de la chaîne alimentaire - des échantillons de manioc, de poissons et de poulets sont prélevés dans le voisinage de l'ancienne mine. «L'origine du marquage radiologique des maisons remonte à une époque plus lointaine , explique Jean-Claude Nzengué, responsable local du CNPPRI, la population a récupéré des résidus de traitements du minerai pour fabriquer du béton ; il y a eu un problème de gestion des déchets radioactifs.»

«Psychose». «C'est étonnant, déplore Sublime, les gens ont tapé dans des carrières où ils n'auraient pas dû. On aurait dû isoler ces produits prévus pour remblayer les mines souterraines afin d'éviter leur dissémination dans la nature.» La parution, en avril, du rapport de l'association de juristes Sherpa, en collaboration avec Médecins du monde, dont des bribes sont parvenues à Mounana via la presse, a renforcé l'inquiétude des habitants. Areva aurait sous-estimé les risques sanitaires et environnementaux selon ces associations, qui citent des cas de cancers parmi les ex-salariés. «Nous ne cherchons pas à encourager la psychose, Mounana n'est pas Tchernobyl, nuance Mathurin Ango, géologue et vice -président du Collectif des anciens travailleurs de Mounana, qui a collaboré au rapport. «Mais il faut regarder objectivement la situation. C'était le jour et la nuit entre les mines au Gabon et en France ; ces dernières étaient bien mieux sécurisées, l'hygiène des travailleurs était plus adaptée : ils ne rentraient pas à la maison avec leurs combinaisons», raconte-t-il.

[Non, les mines en France n'étaient pas "bien mieux sécurisées", voir le film:
"Uranium en Limousin"
En RealVideo 21kb de Thierry Lamireau.
Le DVD est disponible chez:
Thierry Lamireau
39, rue de Verdun 74150 RUMILLY
Tél/Fax: 04 50 23 22 99
Portable: 06 32 18 94 37
Email:
t.lamireau@free.fr

Areva a annoncé la création d'un observatoire de la santé, chargé de suivre les 6 000 ex-salariés et la population de Mounana. «L'observatoire c'est très bien, mais nous attendons des réparations et des indemnisations», rétorque Mathurin Ango. Epuisé par huit années de récriminations, Bernard Keiffer, le directeur général de la filiale gabonaise d'Areva, assume l'ingrate mission d'accompagner la fermeture de la mine. Plus de 30 millions d'euros dépensés pour un bilan mitigé. «Le problème est avant tout social. Les gens sont traumatisés car ils se sont sentis abandonnés par la Comuf et l'Etat gabonais. Ils sont très réceptifs à toutes les formes de récupération et de démagogie.» Il contemple une table de billard défoncée devant l'entrée d'un ancien restaurant, désormais habité par les rats et grignoté par la végétation. «D'ici dix ans, il ne restera plus rien du mess des employés de la Comuf».