Terra eco, 24/9/2009: 

Russie - Il enquête sur les déchets nucléaires: 4 ans de prison

Grigori Pasko, journaliste russe, a fait quatre ans de prison pour avoir dénoncé les déversements de déchets nucléaires par des militaires russes dans la mer du Japon. A l'occasion de la parution d'un rapport de Reporters sans frontières sur les risques encourus par les journalistes qui traitent d'environnement, il raconte.

"Je travaillais pour un journal de la marine à Vladivostok. Je portais l'uniforme militaire mais j'étais aussi journaliste et j'obéissais à la législation sur les médias. Après l'effondrement de l'URSS au début des années 90, de nouvelles lois ont autorisé les journalistes à traiter de questions jusqu'ici gardées secrètes. Parmi celles-ci, il y avait celle des déchets radioactifs. J'ai été le premier journaliste russe à m'intéresser à ces déchets et je crois bien que je serai le dernier.

J'ai rapporté que les militaires rejetaient des déchets nucléaires liquides dans la mer du Japon. J'ai écrit plusieurs articles. Et au début, je n'ai pas eu de problèmes. Mais en octobre 1994, j'ai filmé et photographié directement ces déversements. A partir des images j'ai fait un film d'une trentaine de minutes qui est passé sur la télévision russe tandis qu'un extrait de quelques minutes était diffusé sur la NHK, la télévision publique japonaise. Dès le lendemain, le gouvernement japonais envoyait une note officielle au gouvernement russe. Il accusait la Russie de bafouer le droit international. La Russie a stoppé ces pratiques. Mais les autorités ont décidé de me punir moi pour les erreurs de l'armée.

Entre 1994 et 97, ils ont compilé un dossier contre moi. J'étais suivi, ma ligne était sur écoute, mes lettres ouvertes. Je le savais. L'arrestation est arrivée en 1997. Alors que je revenais d'une mission au Japon, ils m'ont arrêté à la descente de l'avion. Ils étaient huit, armés jusqu'aux dents. C'était comme dans un film policier.

J'ai été accusé de trahison de l'Etat et emprisonné. Le procès n'est venu que deux ans plus tard, en 99. Ca a eu lieu devant un tribunal militaire, en huis clos. Ils m'accusaient d'être à la solde des Japonais. Le premier procès a duré huit mois. Les juges ont conclu que je n'étais pas un espion mais que j'avais enfreint le code militaire. J'ai quand même été libéré et j'ai fait appel contre ce verdict qui me déclarait coupable. Mais en appel, en 2001, les mêmes juges m'ont condamné à 4 ans de prison. Parce que j'avais déjà fait deux ans de préventive entre 97 et 99, il ne me restait plus que deux ans à faire. Mais c'était très pénible. J'ai été transféré très vite vers un camp de travail dans la taïga, à l'Est du pays. On était logés dans des baraquements, employés comme charpentiers. Il faisait -30°C. En 2007, à cause de tout ça, on m'a diagnostiqué avec un cancer des reins.

Après ma libération, je me suis remis à travailler. Mais avec difficulté. J'ai écrit pour un journal à Vladivostok. Mais il a été menacé de fermer pour des raisons fiscales. Sauf que quand j'ai quitté le journal, les poursuites ont cessé. Tout était lié à ma présence. Plusieurs fois pendant ces années-là, j'ai été menacé, ma voiture fouillée, les autorités m'accusaient d'être un narco-trafiquant, un terroriste. J'ai dû quitter Vladivostok pour Moscou en 2003.

Aujourd'hui, je suis journaliste indépendant. Je continue d'avoir des problèmes mais je ne suis pas le seul. Tous les journalistes qui n'ont pas les même opinions que les autorités ont ce genre de difficultés. Les problèmes d'écologie sont devenus particulièrement sensibles pour le gouvernement. A l'époque d'Eltsine, il y avait un programme sur l'environnement sur chaque chaîne de télévision. Beaucoup de journaux, de magazines écrivaient sur ce thème. Mais Poutine a décrété que les écologistes étaient des espions. Alors personne ne parle plus d'environnement. A part sur internet. Et encore... Seulement sur des sites très spécialisés..."

 


Les militaires russes cachent les fuites radioactives en Extrême-Orient (député)

MOSCOU, 1er mars - Les militaires russes "cachent les fuites de déchets radioactifs" en Extrême-Orient russe, a accusé le député russe Boris Reznik dans une interview au quotidien russe Izvestia publiée vendredi.

"Les dépôts des déchets nucléaires sont protégées pas tellement des terroristes mais en premier lieu des inspecteurs du ministère russe de l'Energie atomique qui s'en voient refuser l'accès sous prétexte du secret militaire", a souligné M. Reznik.

La flotte du Pacifique compte 75 sous-marins nucléaires mis hors service dont 45 encore chargés de combustible nucléaire. La moitié de ces derniers sont dans un état potentiellement dangereux, selon le responsable qui cite des documents secrets obtenus auprès des autorités nucléaires russes. (Selon l'organisation écologiste norvégienne Bellona, les réacteurs d'une centaine de sous-marins nucléaires mis au rebut attendent depuis plusieurs années d'être retraités)

Trois sous-marins qui ont subi des accidents nucléaires et toujours chargés de combustible se trouvent dans la baie de Pavlovskaïa, dans la région de Primorié. Leur niveau de radioactivité dépasse largement les normes, selon le député.

Aucun contrôle de la radioactivité n'a été effectué après le renflouage en 1997 d'un sous-marin naufragé près de la baie Kracheninnikov (Kamtchatka) avec le réacteur nucléaire en fonctionnement, selon la même source (voir: le démantèlement des sous-marins nucléaires).

Le journaliste militaire russe Grigori Pasko, condamné à quatre ans de prison pour "espionnage", avait à l'origine été poursuivi pour avoir transmis des informations à des médias japonais sur le déversement en mer du Japon de déchets radioactifs et chimiques par la marine russe.

 


"On entre facilement dans un site nucléaire russe", raconte un député

MOSCOU, 15 fév - La branche russe de l'organisation écologiste Greenpeace et le parti libéral Iabloko ont dénoncé vendredi "l'absence de systèmes de sécurité" dans les sites nucléaires en Russie, racontant comment leurs représentants ont réussi à pénétrer sur un de ces sites en Sibérie.
"En traversant la rivière Ienisseï (région de Krasnoïarsk, Sibérie) nous nous sommes retrouvés devant l'usine minière et chimique de Jeleznogorsk" où sont stockées plus de 3.000 tonnes de combustible nucléaire usagé, a raconté lors d'une conférence de presse le député de Iabloko Sergueï Mitrokhine.

"Personne n'était là pour nous demander nos papiers" et l'enceinte de l'usine contenait "des trous de la taille d'un homme", a assuré le député qui était accompagné lors de son voyage samedi dernier par deux écologistes de Greenpeace et une équipe de la télévision russe NTV.

"Nous sommes allés directement vers les dépôts où sont stockés des déchets nucléaires ukrainiens et bulgares. Une voiture avec des gardiens est passée à côté de nous, mais comme les habitants des localités voisines passent constamment par ici (pour raccourcir leur chemin) personne n'a fait attention à nous", a assuré M. Mitrokhine.

"Le fil barbelé censé protéger les dépôts était rompu (...) et rien de nous a empêché de monter sur le toit d'un dépôt en construction" situé tout près d'un autre site où sont stockés des déchets radioactifs, a-t-il affirmé.

"Il n'y a non plus aucun obstacle pour pénétrer dans ce dépôt" qui contient des déchets d'une radioactivité de plus d'un milliard de curies, a ajouté le député. Les fuites radioactives pendant la catastrophe de Tchernobyl avaient atteint 50 millions de curies, selon Greenpeace.

"J'ai peur d'imaginer ce qui pourrait arriver si un groupe de terroristes était à notre place", a relevé M. Mitrokhine.

Les systèmes de sécurité des sites nucléaires russes "manquent systématiquement de financement", a souligné le parlementaire qui compte envoyer au président russe Vladimir Poutine un compte-rendu de son voyage, ainsi que des images filmées à Jeleznogorsk.

Le député a refusé de dévoiler les noms de ses coéquipiers de Greenpeace, en raison de "plusieurs procès pour espionnage" en Russie, notamment celui du journaliste militaire Grigori Pasko qui a enquêté sur le déversement en mer du Japon de déchets radioactifs par la marine russe.

L'absence d'un système de sécurité dans le dépôt de déchets nucléaires de Jeleznogorsk risque d'entraîner "une catastrophe semblable à celle de Tchernobyl", dans le cas d'une éventuelle attaque terroriste, a affirmé un responsable de Greenpeace, Vladimir Tchouprov, lors de la même conférence de presse.

Les 20.000 tonnes de déchets nucléaires étrangers que le ministère russe de l'Enérgie atomique envisage d'importer en Russie doivent être stockées à Jeleznogorsk, a indiqué M. Mitrokhine.

Le Parlement russe a adopté en juin dernier des amendements à la loi sur la protection de l'environnement, qui autorisent l'importation en Russie de combustible nucléaire usagé pour le stockage et le retraitement.

La Russie "n'est pas prête à réaliser un tel projet pour des raisons de sécurité", a estimé M. Mitrokhine.

 

--------> Risque de contamination nucléaire majeure dans l'Oural, jusqu'à l'arctique